Them – Gloria

 

Les Them, ce sont eux, un groupe rock de Belfast. En octobre 1964, le quintet enregistre son deuxième single, avec en Face A une reprise d’un standard de blues à mettre au crédit de Big Joe Williams: Baby Please Don’t Go , une tuerie! Sur la Face B, une composition du chanteur Van Morrison. Au départ peu diffusée en Angleterre, Gloria trouve en mars 1965 un écho très favorable aux Etats-Unis, parmi un public déjà friand de garage rock. Au point que sur la réédition d’avril 1966, Gloria est promue en face A. Particulièrement connue pour son rythme syncopé et son refrain énumérant une à une les lettres du prénom Gloria, celui de la nièce de Van alors âgée de 13 ans. Pour le texte, c’est une autre histoire, sans rapport aucun avec l’adolescente en question, surtout s’agissant de digressions d’origines diverses. Deux minutes et demie sans ambiguïté qui, sur scène, faisaient souvent l’objet d’une jam à rallonge avec force détails on ne peut plus explicites. Quiconque avait un doute quant au sens des paroles comprenait alors ce qu’il se passait quand une groupie allait à la rencontre d’une rock star. ″Elle arrive chez moi, monte les escaliers et frappe à ma porte. Allez viens! La voici dans ma chambre. Comment t’appelles tu? Quel est ton nom? Quel âge as-tu? Tu vas à l’école? Ton père est au travail, ta maman est sortie faire du shopping. Montre toi, enroule tes jambes autour de mon cou, tes bras autour de mes pieds, tes cheveux sur ma peau. Vas y doucement, c’est bon, je suis bien. Oh oui! Ça va trop vite, c’est de plus en plus difficile. Allez, continue, rends moi heureux! C’est trop tard, trop tard, je ne peux pas me retenir… G-L-O-R-I-A (dʒi-ɛl-o-ar-aɪ-eɪ)Rhââ lovely! comme disait Gotlib! Devenu immensément populaire, le titre n’a pas pour autant fait de Van Morrison un homme riche. En réalité, pas du tout au fait des arcanes de l’industrie musicale et ne s’intéressant pas à la gestion de ses propres intérêts, Morrison aurait perdu au moins 250 000 $, une énorme somme compte tenu de l’époque. Depuis plus de 60 ans, le nombre d’artistes ou de groupes ayant repris cet hymne à l’amour, en concert ou en studio, est tout bonnement incalculable. Parmi mes interprétations préférées: celle au texte modifié de Patti Smith sur l’album Horses de 1975, comprenant en introduction un extrait de l’un de ses poèmes: ″Jesus died for somebody’s sins but not mine…″ (Jésus est mort pour les péchés de quelqu’un mais pas les miens…), les versions en public des Doors et de Eddie & The Hot Rods. Enfin et surtout la version de Popa Chubby en 2001, chantée par sa femme Galea, disponible sur l’album Flashed Back et en version live sur l’excellent Popa Chubby Live At FIP paru en 2003. 

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Patrick BETAILLE, mars 2023

 

Steppenwolf – Born to be Wild

 

Vers le milieu des années 60, John Kay chante au sein de The Sparrow, un groupe de blues-rock canadien managé par Stanton J. Freeman. Proposition est faite aux musiciens de se produire aux Etats-Unis. En 1967, Kay, Nick St. Nicholas le bassiste et le batteur Jerry Edmonton quittent la formation et partent pour San Francisco où ils fondent Steppenwolf. L’aventure peut commencer. Très vite, en janvier 1968, sort le premier album éponyme qui contient déjà des titres qui deviendront la meilleure des signatures musicales du moment: Sookie Sookie, The Pusher et surtout Born to be Wild. Ce dernier a été écrit par le guitariste Dennis Edmonton (le frère de Jerry) sous le nom de Mars Bonfire. Expliquant comment lui est venue l’idée, Bonfire raconte: ″ Je venais d’acheter ma première voiture et un jour que je me promenais sur Hollywood Boulevard, j’ai vu une affiche sur laquelle le slogan ″Born to Ride″ était illustré par une moto jaillissant de terre dans un torrent de lave. L’idée de la moto et de la liberté associée à la joie de posséder ma propre bagnole a alors fait son chemin ″. Le texte est aujourd’hui considéré comme étant à l’origine de l’appellation ″Heavy Metal″. En effet, le troisième couplet de la chanson parle de tonnerre métallique: ″Démarrer le moteur, partir sur la route en quête d’aventure, à la découverte des grands espaces… J’aime la fumée, le feu et le grondement dense du métal… Nous sommes des enfants de la terre, nés pour être libres et nous pouvons aller si loin. Jamais je ne voudrais mourir, je suis né pour être libre ″. À l’époque, Denis Hopper est en train de monter son film Easy Rider. Il souhaite que Crosby, Stills & Nash enregistrent la BO mais il y a un désaccord profond car – dixit le réalisateur – ces mecs qui roulent en limousine sont incapables de comprendre l’essence même de mon road movie. C’est là la raison pour laquelle la musique du film devient un assemblage composé par différents artistes. Une seule chanson est écrite spécialement pour la circonstance: Ballad of Easy Rider de Roger McGuinn. Belle opportunité pour Steppenwolf qui se retrouve un peu par hasard aux côtés de Jimi Hendrix, Electric Prunes, Roger McGuinn, The Byrds et Smith avec deux titres: The Pusher et le désormais incontournable Born to be Wild qui parait en juin 1968. C’est le troisième single du groupe mais c’est aussi celui qui obtient le plus grand succès – atteignant la deuxième place du Billboard Hot 100 américain – et se retrouve à la 129 ème place des 500 plus grandes chansons de tous les temps référencées par Rolling Stone Magazine. L’engouement du public pour ce titre prend d’énormes proportions après la sortie et le succès phénoménal en salle de Easy Rider. Devenu un véritable hymne à la gloire de la moto et le symbole de la contre-culture biker, Né Pour Être Libre se retrouve à l’honneur dans beaucoup de séries TV, de publicités, de films et fait l’objet d’un nombre impressionnant de reprises: Wilson Pickett, Blue Oyster Cult, Status Quo, The Cult, U2, Krokus, Ozzy Osbourne, Joe Lynn Turner, Slayer, etc. Même Kim Wilde!

Le groupe de glam rock britannique Slade en a fait également une reprise avec laquelle il clôturait tous ses concerts. Pour preuve l’étonnamment fougueux Slade Alive! paru en 1972.

En 2004, Paris Hilton demande l’autorisation d’utiliser la chanson dans le cadre de son émission de télé-réalité: The Simple Life. Refus catégorique de la part de John Kay: ″ Même un rocker ne s’abaisserait jamais à accepter pareille chose! ″. C’est dit et bien dit. Faut quand même pas déconner hein?!

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Patrick BETAILLE, mars 2023

Norman Greenbaum – Spirit in the Sky

 

Après quelques tentatives musicales peu convaincantes avec son groupe Dr. West’s Medicine Show & Jugband, Norman Greenbaum quitte son Massasuchetts natal et part s’installer à Los Angeles où il fait la rencontre d’ Erik Jacobsen, alors producteur à succès des Lovin’ Spoonful. En voyant à la télé un chanteur de country interpréter un gospel, et, inspiré par un riff très marqué par le Refried Boogie de Canned Heat, l’artiste de confession juive décide de composer une chanson à connotation religieuse: Spirit in the Sky. De la vie après la mort il est question. De Dieu également, mais, en terme d’accroche commerciale, Greenbaum préfère évoquer Jésus plutôt que Jehova. ″Jésus est mon ami. Au plus haut des cieux. À ma mort c’est là que j’irai. Prépare toi, quand tu mourras, il te conduira vers le plus beau des endroits…″. À la grande surprise de Norman et de la maison de disques, le single publié en 1969 connaît un énorme succès international et se retrouve en tête des ventes dans de nombreux pays. Du haut des cieux, les royalties pleuvent mais Norman Greenbaum décide de se retirer. Il s’achète un ranch, se lance dans l’élevage de vaches laitières rapidement mis à mal par un divorce financièrement douloureux. Devenu un temps modeste éleveur de chèvres, le musicien refait une réapparition dans les années 80, en tant que promoteur de concerts cette fois. Quant à Spirit in the Sky, interprétée à l’identique en 1986 par Doctor and the Medics elle caracolera un temps en tête des charts britanniques. Le titre fera aussi partie de la BO de Apollo 13, le film réalisé par Ron Howard en 1995. Que la paix soit avec vous, et avec votre esprit. Amen!

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Patrick BETAILLE, mars 2023

Steam – Na Na, Hey Hey, Kiss him Goodbye

 

Au début des années soixante, les musiciens des Glenwoods – un groupe de doo-wop du Connecticut – gravent un shuffle intitulé Kiss Him Goodbye qui fait un flop. Séparation en 1969 suite au départ pour New York de deux des membres de la formation. Là-bas, Paul Leka en tant que pianiste et producteur, Gary DeCarlo en tant que composteur-musicien-interprète, entrent en studio et enregistrent 4 titres. Mercury Records est aux anges et souhaite concrétiser la démarche en publiant l’ensemble en face A de singles distinct. Se pose alors la question de savoir que mettre en Face B du premier single. Leka et DeCarlo ressuscitent l’ancienne chanson des Glenwoods.

En l’état, Na Na Hey Hey Kiss Him Goodbye est trop court, à peine plus de 1’30; décision est prise d’ajouter un refrain et un long break de percussions pour atteindre la norme des 3’45. Leka raconte: Alors que cherchant des paroles, j’étais au piano en marmonnant ″Na, na, na, na, na, na, na, na″,  Gary est arrivé et a ajouté ″Hey Hey″. Balèze hein? Lorsque la maison de disques entend le résultat enregistré en une seule cession, elle décide de la publication du titre en tant que Face A. Dans un premier temps les musiciens refusent. Un compromis voit le jour et Mercury propose d’éditer la chanson via sa filiale Fontana. Ne voulant voir apparaître aucun nom, le trio accepte toutefois qu’elle sorte sous le nom fictif de Steam (pour se rendre au studio il fallait passer à proximité d’un regard projetant de la vapeur provenant du métro… Intéressant hein?).

Quant aux paroles, elles racontent l’histoire d’un mec qui essaie de convaincre la fille dont il est amoureux de quitter son copain du moment pour venir le rejoindre: … Il ne t’aimera jamais comme je t’aime. Si c’était le cas tu ne pleurais pas. Il n’est jamais à tes côtés pour te réconforter et te remonter le moral. Vas-y, embrasse-le et dis lui au revoir…″. Êh Bêh, c’est chaud là!
Na Na Hey Hey Kiss Him Goodbye sort en novembre 1969, passe deux semaines à la première place du Billboard Hot 100 aux Etats-Unis et devient un hit mondial qui se soldera par le statut de multi-platine grâce à plus de 2 millions d’exemplaires vendus. Steam n’a jamais connu d’autres succès mais, en 1977, la chanson est joué lors d’un match à domicile des White Sox de Chicago pour narguer l’équipe adverse et adoptée dans la foulée pour devenir l’hymne officiel de l’équipe de baseball. C’est fou ça non? Chantée également lors de rassemblements pour provoquer les responsables politiques, la ritournelle sera reprise en 1970 par The Supremes, en 1983 par Bananarama et fera partie de la liste des 164 chansons temporairement interdites de diffusion après les attentats du 11 septembre 2001. Va comprendre toi!

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Patrick BETAILLE, février 2023

The Troggs – Wild Thing

 

De tous les groupes de la British Invasion, aucun ne mérite mieux l’estampille proto-punk que The Troggs – un groupe originaire du Hampshire en Angleterre – qui, sur la scène du Swinging London, avait pour habitude de revendiquer haut et fort ses origines prolétariennes. C’est Reg Presley qui en 1964 fonde les Troglodytes. Un soir de concert, Larry Page – l’ex manager des Kinks – entend l’interprétation saisissante du You Really Got me de ses anciens poulains par le quatuor auquel il fait immédiatement une proposition de management. Le groupe accepte et un contrat avec CBS est signé peu après. Ce faisant les Troglodytes deviennent The Troggs. Un premier single voit le jour dans l’indifférence la plus totale. L’accord avec la maison de disques ne portant que sur un seul 45 tours, le manager fait des pieds et des mains et finit par décrocher un nouvel accord avec Fontana.

Peu convaincu, à tort, par les talents de compositeur de Presley et de ses hommes des cavernes, Page leur propose deux reprises: Did You Ever Have To Make Up Your Mind des Lovin’ Spoonful ou Wild Thing des Wild Ones, une chanson composée en 1965 par un certain Chip Taylor*. Vendue! Direction le studio. Les musiciens profitent des 45 minutes de rab d’une cession en cours et, en 20 minutes, bouclent le titre et celui qui deviendra leur prochain hit: With A Girl Like You, tous deux mixés en direct pendant l’enregistrement. Le single sort en avril 1966, illustration parfaite de ce qu’une interprétation sur 3 accords et pliée dans l’urgence peut faire d’une compo somme toute banale. D’entrée, certains programmateurs radio se font tirer par la manche pour accepter de diffuser un morceau dont les paroles à double sens flirtent allègrement avec la lubricité. ″ Sauvageonne, tu fais chanter mon cœur. Tu rends les choses sensationnelles. Sauvageonne, je crois que je t’aime mais je veux en être sûr. Tu m’émeus, alors viens et serre moi fort. Viens, viens, sauvageonne, secoue-le, secoue- le ″. En mai Wild Thing est N°2 au hit parade britannique et atteint la première place du Hot 100 aux États-Unis en juillet. En juin 1967 Jimi Hendrix met le public du Monterey Pop festival sur le cul avec sa reprise à la fin de laquelle il immole sa Stratocaster par le feu.

* L’auteur-compositeur Chip Taylor est aussi le frère de l’acteur John Voight (Macadam Cowboy en 1969, Délivrance en 1972, Mission impossible en 1996 , U Turn en1997, Tomb Raider en 2001, etc) et l’oncle de… Angelina Jolie. En 2017, l’actrice apparaît dans une publicité pour le parfum Mon Guerlain avec en fond sonore – je vous le donne en mille – Wild Thing: Eau de Parfum Intense. Comme quoi!

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Patrick BETAILLE, février 2023

 

John Fred – Judy in Disguise

 

Avant de se lancer dans la musique en accompagnant Fats Domino, John Fred Gourrier était un joueur de baseball et de basketball très populaire au sein de la Southeastern Louisiana University. Il crée son groupe – John Fred & His Playboy Band – en 1956 et connaît son premier succès en 1959 avec une chanson intitulée Shirley. En 1967, Fred et un autre membre du groupe composent Judy in Disguise (With Glasses) qui se veut une parodie du Lucy in the Sky with Diamonds des Beatles. Cette année là, le single connaît un franc succès, parvenant même à chasser une autre chanson des Fab Four (Hello, Goodbye) de la première place du classement du Billboard Hot 100. Comique, entrainante, ambiance rhythm’ n’ blues façon Stax, le titre aux paroles psychédéliques dresse le portrait de Judy, une fille quelque peu excentrique (une groupie?).

Judy, un déguisement, voilà ce que tu es avec tes lunettes, ta tarte à la limonade, ta bagnole toute neuve, tes bracelets et ton soutien gorge frétillant. Moineau ramoneur de cheminée, viens me voir ce soir, attrape tout ce que tu peux, sauf les cordes de mon cerf-volant. Que cherches tu? Un cirque ambulant? C’est ce que tu es! Tu m’as broyé et je pense que je vais me contenter de te piquer tes lunettes ″. Je vous avais prévenu, psychédéliques les lyrics! Avec plus d’un million d’exemplaires vendus la chanson est récompensée par un disque d’or mais restera à jamais un one-hit wonder qui lassera vite le public. 

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Patrick BETAILLE, janvier 2023