Plusieurs fois par jour je croise le facies inqualifiable du Roi Pourpre, magnifiquement brodé à ma demande par Elsa Kuhn. Alors non, In The Court Of The Crimson King n’est pas à l’honneur dans cet étonnant recueil. Qui sait? Peut être un jour dans un second volume? D’ici là il y a dans In Felt We Trust de quoi apprécier le travail à la fois minutieux et réaliste de cette artiste qui écrit de façon originale une nouvelle page de la pop culture. Plus d’une centaines de pochettes de disques – dont certaines commentées par des plumes du rock et de la littérature – revivent sous les doigts de fée de la plus rock’n’roll des brodeuses. Bien plus qu’un catalogue, ce superbe ouvrage broché de 144 pages en couleur rend hommage aux graphismes illustrant la musique qui parfois s’écoute aussi avec les yeux. La preuve: Handmade recreations for music lovers!
Dans ″La République″, son ouvrage le plus connu et le plus célèbre portant principalement sur la justice, Platon se livre à la critique de la démocratie dans sa dégénérescence en démagogie et en tyrannie. Sous la forme de ″Dialogues″, le sage grec s’interrogeait sur des sujets tels que – par exemple – le beau, le courage ou encore… la musique. Ainsi, en l’an -425 et des briquettes, le philosophe se livrait à un constat alors largement diffusé sur les réseaux sociaux:
Ce qu’ignorait Platon c’est qu’une éternité plus tard, en un lieu proche de perpette les alouettes, son allégation se retrouverait à l’honneur en tant que fil conducteur d’un ouvrage consacré aux vinyles. Étranges, intrigantes, choquantes, sublimes ou amusantes, certaines pochettes de disques au pouvoir attractif redoutable ont été réprouvées de différentes manières. C’est bien ce dont il s’agit dans cet ouvrage de 325 pages consacré à la censure de l’imagerie qui a accompagné la musique populaire des années 60 à nos jours:
Après Evol et Sister, deux albums sortis en 86 et 87 sur SST Records, et Daydream Nation en 88 sur Blast Records, le succès et la popularité de Sonic Youth vont grandissant et ouvrent au groupe les portes du label Geffen qui en 1990 publie Goo. L’occasion de s’attarder sur la petite histoire la pochette de ce septième album de la formation de rock alternatif. Raymond Pettibon en est l’auteur. Dessiné en noir et blanc, un couple occupe un espace qui s’apparente plus à une illustration de fanzine qu’à autre chose. À la sortie de l’album les spéculations vont bon train. Beaucoup sont persuadés que le cover art met en scène le tandem Thurston Moore/Kim Gordon, respectivement guitariste et bassiste de Sonic Youth, mariés à la ville comme à la scène. En réalité le dessin est tiré d’une photo prise par un paparazzi lors du procès d’un couple de serial killers dont les crimes ont secoué l’Angleterre des années 60. Il s’agit donc de Maureen Hindley et David Smith, tous deux témoins clés dans l’affaire des Moors Murders. Maureen était la sœur de Myra Hindley qui, avec son amant Ian Brady, comparaissaient pour avoir torturé, abusé sexuellement, mutilé et assassiné plusieurs enfants. Les tueurs n’auraient peut-être jamais été arrêtés sans le témoin principal David Smith, le beau-frère de Maureen. Invité pour un apéro chez les Hindley, David arrive alors que ses hôtes venaient de commettre l’un de leurs crimes. Après avoir aidé le couple à nettoyer les lieux et à se débarrasser du cadavre, très choqué et pris de remords, Smith a révélé les faits à la police. Finalement le couple diabolique a été condamné à la prison à perpétuité en 1966. Comme à son habitude, histoire de titiller les imaginations tout en entretenant le mythe des tueurs psychotiques en cavale, Raymond Pettibon s’est fendu d’une annotation à la hauteur des faits: ″J’ai piqué le petit ami de ma sœur. C’était un véritable tourbillon de chaleur et d’éclairs. Au bout d’une semaine, nous avons zigouillé mes parents et taillé la route″. Merci à Gaël (actionnaire majoritaire chez Pochtron & Sofa, et voilà!).
Né à Damaia près de Carcavelos au Portugal, Sergio Odeith a commencé à flirter avec le graffiti dans les années 80. Ayant pris conscience des limites imposées par les représentations graphiques sur plans plats et très intéressé par les ombres et les perspectives, il se lance rapidement dans la 3D dans un style qu’il qualifie de ″Sombrio 3D″. Très rapidement son talent dépasse les frontières de son pays natal et en 2005 il touche cette fois à l’art anamorphique, technique consistant à utiliser des éléments existants pour y appliquer des illusions d’optique. En 2019 il réalise une œuvre saisissante en peignant sur un bloc de béton d’une friche industrielle un vieux bus abandonné et en piteuse condition. Le rendu est parfait, grâce notamment au sens du détail qui s’étend jusqu’aux ombres portées sur le mur mitoyen. En juillet 2020 Odeith révèle au public une autre fresque à connotation apocalyptique d’un réalisme incroyable. Il s’agit d’une locomotive dans un état de décrépitude avancée à l’avant de laquelle un tag annonce la couleur: COVID=EnD! Galerie Odeith.
Love at First Sting est le neuvième album des teutoniques Scorpions. Sorti en 1984 il se vend à plus six millions d’exemplaires devenant ainsi le plus grand succès commercial de la bande à Klaus Meine. Grâce notamment l’incontournable ballade ″Still Loving You″ (qui n’est pas pour rien dans la croissance du taux de natalité dans certaines contrées) la notoriété du groupe explose littéralement sur la scène mondiale. Élaborée par l’agence de design Kochlowski sur la base d’un cliché de Helmut Newton, la pochette originale représente un couple enlacé. Elle, légèrement dévêtue, sexy en diable, s’abandonne dans les bras d’un bad boy bon chic bon genre qui est entrain de lui tatouer un scorpion sur la cuisse. A l’époque, et afin de palier à d’éventuels problèmes connus par le passé, la maison de disques prend la précaution de présenter le cover art aux revendeurs avant de publier le disque. Aucun retour négatif n’étant recensé, Love at First Sting est édité en l’état. Malheureusement, après la sortie de l’album Wal-Mart se plaint, qualifiant la jaquette de tendancieuse, subversive et machiste. Rien que çà! Pour le coup Polygram se voit obligé de proposer une version alternative qui consiste ni plus ni moins à utiliser la photo du groupe, la même que celle déjà présente au dos de la version première de l’album.
Sorti en 1975, In Trance, le troisième album des teutons s’inscrit comme déterminant quant au Hard Rock mélodique qui assurera au groupe un succès grandissant. La bande à Klaus Meine se fait donc remarquer et pas qu’au travers des compositions. La pochette de l’album, oeuvre du photographe Michael Von Gimbut exhibe une femme au téton apparent, tenant une guitare (la Stratocaster de Ulrich Roth) sous elle. Ce sera la première de la série de pochettes du groupe à avoir été censurée. Quand je pense qu’à l’époque j’avais acheté le disque rien que pour la pochette, sans connaitre le goupe, ni même écouter. C’est grave docteur?
L’année suivante sortira Virgin Killer: La pochette originale fait à nouveau scandale. Une jeune fille pré-pubère pose entièrement nue et le sexe est caché par un impact sur une vitre. Excepté en France, la pochette est censurée et remplacée par une photo du groupe. La polémique dure, enfle et culmine en décembre 2008. Le IWF (Internet Watch Foundation) juge la photo de l’album non seulement indécente mais potentiellement illégale de par son aspect pédopornographique. Plusieurs FAI britanniques interdisent alors l’accès à la consultation de la page de Wikipédia. Il est certain que la version corrigée ne va pas mettre à mal la libido!