Ondi Timoner – DIG!

Les Brian Jonestown Massacre de San Francisco et les Dandy Warhols de Portland sont deux groupes emblématiques de la scène rock indépendante américaine. Créatives et révoltées les deux formations sont intellectuellement proches dans leur approche du refus de se plier aux exigences de la sphère musicale mais Anton Newcombe et Courtney Taylor – les leaders respectifs – sont aussi rivaux quant à la façon de gérer leur soif de notoriété. Réalisé par Ondi Timoner, ce magistral documentaire qui a obtenu le Premier Prix du Grand Jury du Sundance Film Festival de 2004 est un indispensable témoignage sur le rock indépendant et les dessous d’un monde dans lequel tous les coups sont permis. Bien plus destroy que les rivalités Beatles-Stones ou que celles des poseurs de Blur et Oasis, DIG vient bousculer les mythes du rock’n’roll circus et la perversité de l’industrie musicale. Pour en savoir plus, beaucoup plus, c’est par ici: Ondi Timoner Creuse son Sillon!

Patrick BETAILLE, février 2022

Stephen Fears – High Fidelity

Dans un quartier pauvre de Chicago, Rob Gordon tient une boutique de disques fréquentée par des amateurs de vinyles rares des 60’s & 70’s. L’essentiel de son existence tourne autour de la musique pop dans laquelle il puise l’énergie nécessaire à la gestion d’un quotidien pour le moins erratique. Interprété par John Cusack, Rob est plutôt du genre ado attardé, perturbé et instable. Il a abandonné ses études et gère tant bien que mal son antre fréquentée par des collectionneurs compulsifs en quête de galettes ésotériques. Pour l’aider, Dick et Barry (Jack Black), deux vendeurs quelque peu débiles mais incollables en musique. Vient le temps de la rupture. Laura (Iben Hjejle) annonce à Rob qu’elle le quitte. Abasourdi et désormais seul, il décide de retrouver ses ex – dont une certaine Charlie jouée par Catherine Zeta-Jones – pour comprendre les raisons de ces échecs amoureux à répétition. S’en suit une comédie (romantique?) tonique, sympathique et sans prétention sur les aléas des peines de cœur. Stephen Frears, comme comme à son habitude, peint des marginaux avec cruauté et affection. Ils sont drôles, inquiétants, survoltés, angoissés, hors normes et leurs tribulations sont accompagnées d’une bande son jouissive (Dylan, Stevie Wonder, Velvet Underground, Love, 13th Elevator, Stereolab, Kinks, Elvis Costello, etc. Tiré du roman de Nick Hornby et sorti en 2000, High Fidelity n’a que la prétention de faire passer un bon moment, il y parvient et c’est déjà pas si mal. À ranger pas trop loin de Good Morning England, The Commitments et The Blues Brothers.

Patrick BETAILLE, juin 2021

 

Suzi Quatro – Suzi Q

Suzzi Quatro: Can the CanEn 1964 à l’âge de 14 ans, Suzi, fille d’un musicien de jazz, assiste avec ses sœurs à un concert des Beatles. Dans la foulée, les frangines décident de monter un groupe rock: The Pleasure Seekers. En 1969, la musique du combo évolue vers le hard-rock et se rebaptise Cradle. 1971, lors d’un concert à Detroit, le producteur britannique Mickie Most repère cette petite bassiste agressive et toute de cuir vêtue et lui assure qu’elle peut accéder à une carrière solo prometteuse. La jeune fille, qui a alors 21 ans, accepte finalement, déménage à Londres et prend comme nom de scène Suzi Quatro. Entre 1973 et 1983 elle parvient à classer 16 titres dans les hit-parades britanniques. Dans un documentaire à paraître le 11 octobre 2019 Liam Firmager retrace la carrière de cette effigie du Glam Rock des Seventies. Pour l’occasion et en s’appuyant sur des images d’archives, le film fait appel aux témoignages d’artistes tels que Joan Jett, Debbie Harry, Lita Ford, Cherie Currie, Tina Weymouth, Donita Sparks et Alice Cooper. ″Il n’y a qu’une seule Suzi Quatro″, déclare le réalisateur. ″Elle a vendu 55 millions de disques. C’était vraiment une artiste influente mais sa contribution à la musique n’a pas encore été reconnue. Ce film est une tentative de la présenter à une nouvelle génération″. 

Patrick BETAILLE, août 2019

 

 

 

Aretha Franklin – Amazing Grace

Dvd Amazing GraceIl y a un an disparaissait la bien nommée The Queen of Soul. Aretha Franklin restera à jamais l’artiste féminine noire parmi les plus célèbres de tous les temps. 45 ans de carrière, 18 Grammy Awards, un gloden Globe, son étoile sur le Hollywood Walk of Fame, des diplômes honorifiques de la part des plus prestigieuses universités américaines et une médaille présidentielle de la liberté. La reine de la Soul qui a aussi chanté pour Elisabeth II et pour Barak Obama lors de son investiture a également été honorée à titre posthume d’une mention spéciale de la part du Prix Pulitzer ″pour sa contribution indéniable à la musique et à la culture américaine pendant plus de cinq décennies″. Retour en arrière. En janvier 1972, Aretha décide de renouer avec ses racines religieuses et d’enregistrer un nouvel album. Pendant deux nuits, accompagnée de son groupe, elle s’installe dans une église de Los Angeles: The New Temple Missionary Baptist Church. L’été suivant, Atlantic sort un double album tiré de ces shows. Immédiatement reconnu comme étant l’une des œuvres les plus puissantes de la Soul, le disque atteint le haut du Billboard 200 et se voit certifié double platine avec plus de 2 millions de ventes. A l’époque les sessions avaient été filmées mais, pour des raisons techniques, jamais diffusées… Jusqu’à aujourd’hui! Dépoussiérées, synchronisées, les images captées par les équipes de Sydney Pollack sont désormais disponibles en Dvd et Blue Ray. Amazing Grace est plus qu’un concert; c’est une communion, une exaltation générée par une artiste qui s’adresse à son public en mettant en musique la cause des femmes, de la liberté, des droits civiques et son combat contre le racisme et le inégalités. Oubliez la qualité des images datant des années 70. Laissez vous embarquer par la magie émotionnelle du documentaire, la transe du public, les larmes des participants et même l’exaltation de certains, parmi lesquels Mick Jagger et Charlie Watts présents ce jour là. Et surtout savourez comme il se doit la prestation d’une exceptionnelle chanteuse qui transcende son art en l’incarnant au plus profond d’elle-même. Sublime! Merci Monsieur Alan Elliott pour ces 90 minutes de Grâce.

Patrick BETAILLE, août 2019

Eric Clapton – Life in 12 bars

Lili Zanuck Clapton Life in 12 BarsToujours soucieux d’avoir le contrôle sur son image et perfectionniste en âme, Eric Clapton a demandé à la réalisatrice Lili Fini Zanuck de lui consacrer un Rockumentaire. Sorti en salle en janvier 2019, Life in twelve Bars est désormais disponible en Dvd. Le film privilégie les archives fournies par le guitariste qui commente photos et documents sonores. Durant la première moitié du documentaire l’on découvre les blessures d’un enfant qui, rejeté et abandonné par sa mère, se réfugie dans la musique qu’il entend à la radio. Très tôt donc le Blues devient un refuge obsessionnel qui conduira le jeune prodige au sein des Yardbirds, de John Mayall & The Blues Breakers et de Cream! C’est aussi l’époque d’une autre passion dévorante; celle que nourrit le guitariste pour l’épouse de son ami George Harrison, Patti Boyd. Cet amour à sens unique conduit celui que l’on appelle désormais God à une descente aux enfers qui devient le fil conducteur de la deuxième partie. Amour contrarié, fragilité, dépression, alcool, Mandrax, héroïne, cocaïne, LSD. ″Je ne savais plus où j’étais… à l’époque je ne me suis pas suicidé car un mort ne boit pas!″, se souvient Slowhand qui trouvera néanmoins l’inspiration pour créer son chef d’œuvre au sein de Derek and the Dominos: Layla. Quelques années plus tard, la naissance de son fils Conor va le remettre sur pied. Malheureusement l’enfant meurt tragiquement en 1991 à l’âge de 4 ans et devient le sujet de l’un de ses plus beaux hymnes: Tears in Heaven. Les épisodes sont connus, bien sûr, mais la réalisatrice parvient à leur donner une nouvelle dimension grâce à des extraits, interviews et séquences vidéo jusqu’alors méconnues au cours lesquelles on croise notamment les Beatles, Dylan assistant à un concert de John Mayall à la télévision, ou encore une Aretha Franklin en studio. ″Aretha a d’abord ri, mais quand Clapton a commencé à jouer elle a arrêté de rire″ [Le boss d’Atlantic Records]. Il est aussi question de la fameuse tirade raciste lors d’un concert que le documentaire n’élude pas. ″J’étais bourré. Je me suis dégoûté moi-même ». C’était impardonnable. La moitié de mes amis étaient noirs et ma musique l’était aussi… Mais seule la bouteille comptait!″. Le portrait d’un homme tourmenté plutôt que celui d’un guitariste flamboyant est certes un choix risqué et il parait légitime de se demander pourquoi la musique, bien que présente et de belle manière, n’occupe pas plus de place tout au long des 2h15 de visionnage. En faisant le choix de la sincérité et de l’intime, Eric Clapton offre à Lili Zanuck l’occasion de réaliser un boulot remarquable, émouvant et passionnant. Une réussite et un vrai régal!

Patrick BETAILLE, juin 2019

Rumble – The Indians Who Rocked the World

Catherine Bainbridge RumbleEn 1958 lors d’un concert un des micros se retrouve plaqué contre l’amplificateur du guitariste. S’en suit un son extrêmement saturé qui donne naissance à Rumbleun instrumental sur trois accords avec lequel l’amérindien Link Wray  posera l’une des pierres fondatrices du Rock. Se remémorant ce frissonnant classique, Martin Scorsese jubile : ″le son de la guitare… cette agressivité… C’était le premier morceau à utiliser la distorsion et le feed-back. Rumble marque l’arrivée de l’accord de puissance dans le rock – et c’est également l’un des rares morceaux instrumentaux à avoir été interdits à la radio, tant on craignait qu’il n’incite à la violence…″. Réalisé par Catherine Bainbridge ce documentaire exceptionnel retrace l’histoire de ces indiens natifs d’Amérique qui ont donné ses lettres de noblesse à la musique populaire, Rock et Blues en tête. Via des extraits de concerts, des images d’archives et des interviews, les portraits de ces icônes autochtones nous sont contés par quelques unes des plus grandes légendes américaines de la musique qui les ont côtoyées, qui ont joué avec elles ou qui s’en sont inspiré. De Buddy Guy et Quincy Jones à Iggy Pop, en passant par Steven Tyler et Stevie Van Zandt et bien d’autres, tous reconnaissent cet héritage. Rumble, le film, montre à quel point les influences autochtones représentent un pan important de l’histoire de la musique et ce malgré les nombreux efforts déployés pour interdire, censurer et éradiquer les cultures autochtones aux États-Unis. Sorti aux Usa en octobre 2017 et disponible en Dvd, le documentaire sera projetée dans certaines salles françaises à partir du 7 novembre 2018. Toutes les infos: Rumble, the Movie.

Patrick BETAILLE, octobre 2018

Still On The Run – The Jeff Beck Story

The Jeff Beck StoryLe 12 avril à Londres, Avait lieu l’avant première du Rockumentaire ″Still On The Run″.  ″The Jeff Beck Story″ était projeté à Londres au Curzon Mayfair Cinema, en présence de l’intéressé, bien sûr, mais aussi de quelques noms prestigieux et amis. Le film retrace la carrière du guitariste depuis l’apprentissage de l’instrument jusqu’aux quêtes innovantes de sa carrière solo en passant bien sûr par les époques Yardbirds et Jeff Beck Group. Des témoignages ou anecdotes d’Eric Clapton, David Gilmour, Jimmy Page, Joe Perry, Slash, Rod Stewart ou Ron Wood s’ajoutent aux images d’archives et extraits de concerts, dont cinq titres enregistrés à Montreux en 2007. Geoffrey Arnold Beck himself est interviewé. Chez lui, on le voit même dans son atelier en train de monter un moulin sur un châssis de Hot Rod, son autre passion viscérale. ″Still On The Run – The Jeff Beck Story″ sera publié en Dvd et Blu-Ray le 18 mai par Eagle Vision, l’occasion de se pencher sur le parcours de l’un des guitaristes les plus atypiques et les plus influents du Rock: Jeff Beck!

Patrick BETAILLE, mai 2018

 

David Gilmour – Live at Pompeii

Live at Pompeii 20167 juillet 2016 après JC! David Gilmour revient au pied du Vésuve, à l’endroit même où en 1971 le Floyd pas encore disloqué s’étaient mis en scène dans un rockumentaire ayant pour décor un amphithéâtre vide de tout spectateur. Autre temps, autres mœurs. Cette fois-ci le guitariste débarque flanqué d’un nouveau groupe, d’un light show conséquent, devant un public de 26 000 personnes acquis à sa cause et bien sûr avec un répertoire ciblant la promo du dernier album ″Rattle that Lock″. Le show reste néanmoins axé sur les incontournables pour lesquels les fans se sont déplacés et c’est tant mieux car, il faut l’avouer, à deux exceptions près les huit compos récentes infligent au show une légère baisse de rythme. Sur la set list figurent ainsi un ″Great Gig in the Sky″ remanié, d’excellentes interprétations de ″Money″ et ″Wish You Were Here″, 12 minutes enchantées de ″Shine on You Crazy Diamond″ et un magistral ″One of these days″. Les trois derniers morceaux sont tous des classiques du Floyd: ″Time″, ″Run Like Hell″ bourré d’effets pyrotechniques et bien sûr le majestueux ″Comfortably Numb″ qui vient clôturer le set. Les musiciens (Chuck Levell aux claviers) sont au top, heureux d’être là (ça se voit!)  et ils parviennent à faire oublier l’absence des membres fondateurs du groupe originel. Quant à Gilmour, même si parfois la voix a un peu de mal à assurer dans les aigus, son jeu de guitare a rarement été aussi pur et grandiose (le deuxième solo de ″Comfortably Numb″!!!).  Avec 21 titres et plus de 2h30 de scène, Live at Pompeii est indispensable à tout adepte du genre. D’autant plus indispensable qu’il bénéficie d’une édition Blu Ray boostée par une image et un son exceptionnels. Je me demande quand même comment, en ayant la chance de pouvoir assister à un tel événement, certains puissent apprécier le show en passant le plus clair de leur temps à brandir à bout de bras un putain de smartphone. Baltringues!

PB, octobre 2017

Dr. Feelgood – All Through The City (With Wilko 1974-1977)

Wilco Johnson, All through the City 1974-1977C’est un fait! Wilko Johnson a gravé en compagnie de Lee Brilleaux, John B. Sparks et The Big Figure les plus belles pages du pub rock anglais. ″All Through The City″ passe en revue les remèdes prescrits par Dr. Feelgood entre 1974 et 1977. Trois Cd et 1 Dvd compilent les quatre premiers albums de la formation (″Down by the jetty″, ″Malpractice″, ″Sneakin’ suspicion″ et ″Stupidity″), des démos, des inédits dont 3 Live et quelques vingt-deux apparitions télés en 1975.  Véritable témoignage sur une musique ouvrière qui se foutait des modes, du mainstream et de ses conventions. Au total 93 titres portés par une énergie rare symbolisée par la superbe photo en noir et blanc qui illustre l’objet. Pour une fois on ne se fout pas de la gueule du client! Le coffret intègre un livret de 50 pages et surtout, les enregistrements sont remastérisés sans nuire à la fougue, à l’honnêteté et à la vitalité du groupe de Canvey Island. C’est  rare! Bref, un fois conquis, l’amateur pourra ranger ce petit bijou à côté ou pas loin de l’émouvant documentaire de Julien Temple: Oil City Confidential. D’ici là et en attendant, une piqûre de rappel ne peut pas faire de mal, pas vrai Roxette ?!

Patrick BETAILLE, février 2017

John Doe – Crossroads, la route du Blues

Crossroads, film John Doe sur Robert JohnsonPour peu que l’on s’intéresse au Blues, vient toujours un moment où se manifeste l’envie d’en savoir plus sur l’une de ses plus belles des légendes. Avec seulement 29 titres enregistrés Robert Johnson est devenu un mythe, la référence suprême, le gardien du panthéon de la musique, celui qui a fait naître chez Jimmy Hendrix, Eric Clapton, Keith Richard, Led Zeppelin et tant d’autres, la passion viscérale pour le Delta Blues qui allait de près ou de loin les influencer musicalement. En 1986, à partir d’un scenario de John Fusco, le réalisateur Walter Hill traite le sujet sous forme de fiction musicale gentillette qui se termine par un duel guitaristique éblouissant entre Ralph Macchio et Steve Vai dans le rôle du serviteur du diable. Il est donc question de ce fameux pacte avec le Malin. Pacte au cours duquel Robert Johnson aurait vendu son âme en échange d’un immense talent.  Avec ″Crossroads, la route du Blues″, John Doe élève le débat au rang d’un subtil mariage des genres qui oscille entre fiction, documentaire et road-movie. ″Fan de Blues, je rêvais depuis mon adolescence de faire la Route 61. Il m’aura fallu 30 ans pour y parvenir avec quelques dollars, un bon copain et une idée : conter les légendes de Robert Johnson. J’ai écrit et vécu cette aventure passionnément. Une année de préparation, 1 mois de tournage, 6 mois de montage et 8 ans de galères pour faire connaitre ce film. Aucun producteur, pas de distribution, pas d’aide financière, juste un entêtement maladif: y croire″. Le résultat est bluffant. La démarche est sincère, les protagonistes étonnants, le ton lugubre et l’ambiance générale très roots. Au final on y croit, on s’y croit même. Au point d’avoir envie de participer, en compagnie de Calvin Russel, à la quête du 30ème morceau, celui  qui délivrera Robert Johnson de sa malédiction. Monsieur John Doe*, qui que vous soyez, merci pour cette belle initiative, pour ce moment intense et pour la mise en images de cette passion dévorante. Enfin et surtout, merci pour le partage sans contrepartie avec la mise à disposition d’infos remarquables et de l’intégralité de l’œuvre au format Dvd ou Divx en Vost.  C’est ici! > La Route du Blues .

*Dans les années 50, John Doe est le pseudonyme utilisé par les réalisateurs américains  qui ne souhaitaient pas ″signer″ leurs œuvres en raison de désaccords avec les règles fixées par l’industrie du cinéma et de la télévision. Une façon de faire de la résistance…

PB, janvier 2017