Donovan – Mellow Yellow

 

Dans une interview au New musical Express, ce chanteur écossais déclarait : ″ Être Mellow, c’est être cool, relax, décontracté, un peu comme lorsque l’on pratique la méditation ″. Compte tenu du contexte flower power, le jaune pâle dont il est question peut paraître crédible. D’autant plus crédible qu’en 1968 c’est lui, Donovan,  qui incite les Fab Four à aller voir chez chez le Maharashi Mahesh Yogi s’il fait beau.
Quand Mellow Yellow sort en Angleterre en février 1967 (octobre 1966 aux USA), Donovan Phillips Leitch a 20 ans, joue du folk acoustique, baigne dans le psychédélisme et fréquente John Lennon. Il n’est donc pas étonnant qu’à l’époque les paroles de ce single cool et groovy soient perçues comme ayant été écrites sous l’emprise de substances hallucinogènes et fassent l’objet d’interprétations plus ou moins fumeuses. C’est ainsi que la ″ eletrical banana ″ évoquée dans le texte devient pour certains une allusion à la pratique consistant à extraire les fibres de la peau de banane et à les fumer après séchage, histoire de pouvoir planer à 5000 mètres, moteur arrêté. ″ John et moi avions l’habitude de parcourir les tabloïds et de nous inspirer de certaines idées amusantes pour les mettre en chansons. Un jour je suis tombé sur une publicité pour des godemichés dont la forme et la couleur faisaient penser à des bananes. C’est aussi simple que ça ! ″. Autre sujet à controverses, notamment quand le troubadour Glaswégien chante : ″ I’m just mad about Saffron and she’s just mad about me ″ et ″ I’m just mad about Fourteen, Fourteen’s mad about me ″. Il n’en faut pas plus pour déduire que le musicien se défonce en fumant du safran et qu’il est obsédé par les adolescentes. À y regarder de plus près, Saffron et Fourteen sont en réalité des prénoms féminins ; rares certes, mais des prénoms quand même. Même perchées et sujettes à divagations, les paroles n’ont donc rien à voir avec des trips épicés et d’hypothétiques relations avec de jeunes filles prépubères.
Donovan bénéficiait déjà d’une grande popularité aux États-Unis grâce une autre de ses compostions (Sunshine Superman) mais c’est Mellow Yellow qui lui vaudra une reconnaissance internationale. Enregistrée avec des pointures de jazz, produite par Mickie Most (Animals, Herman’s Hermits, Jeff beck) et arrangée par le futur led Zep John Paul Jones, la chanson distille une instrumentation originale et raffinée qui met en valeur la voix et le jeu de guitare de l’artiste qui deviendra le porte-parole de toute une génération hippie, ″ Quite rightly ″ [NDLR à juste titre ].

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Patrick BETAILLE, mai 2023

 

 

Blondie – Heart of Glass

 

Quand ils se rencontrent en 1973, Deborah Harry et Chris Stein font partie d’un groupe new-yorkais, The Silettos. Il est guitariste, elle est chanteuse et, à la scène comme à la ville, ils sont en couple. En 1974, ils fondent un nouveau groupe qui doit son nom à la crinière peroxydée de Debbie : Blondie; surnom donné par les livreurs et taxi drivers qui lorsqu’ils croisent sa route l’interpellent : ″ Hey Blondie !
Avec un répertoire pop rock parfois teinté de ska ou de rhythm & blues et des interprétations simples, ironiques et agressives, le groupe parvient à trouver sa place sur la scène post punk alors en gestation. Après un premier album éponyme, Blondie fréquente assidûment le CBGB en compagnie de Television et des Ramones et se retrouve invité en première partie des concerts de Iggy Pop. En 1977 arrive Plastic Letters, le deuxième LP accompagné du single Denis qui atteint la seconde place des classements britanniques et assure au quintet une réputation internationale grandissante, confirmée l’année suivante par Parallel Lines. Ce troisième opus représente un virage significatif pour Chris Stein et Debbie Harry qui s’intéressent alors de plus en plus à la musique électronique et à l’Eurodisco naissant. Moins spontané et plus produit, l’album explore des horizons divers et commence à faire appel aux séquenceurs et aux boites à rythmes. C’est ainsi qu’avec les sonorités disco de Heart of Glass ils vont pourtant connaître la gloire.
Problème ! Les paroles sont à l’origine d’une polémique. Debbie souhaite se démarquer de ces chanteuses pop qui pleurnichent sur leur sort en évoquant déceptions amoureuses et autres niaiseries sentimentales. ″ Once I had a love and it was a gas. Soon turned out, it was a pain in the ass ″ [NDLR Une fois j’ai eu un coup de foudre. Ça a tourné court et ça m’a fait mal au cul] écrit-elle. Cul ! Le mot est lâché et certaines radios refusent de diffuser ce genre de vulgarité. Une autre version édulcoré est donc éditée à la va-vite : ″ Once I had a love and it was a gas. Soon turned out, I had a heart of glass ″ [NDLR Une fois j’ai eu un coup de foudre. Ça n’a pas duré, j’avais un cœur de verre].
Avec l’album Parallel Lines ou avec les autres singles (Picture This et Hanging on the Telephone) qui en sont extraits, Blondie marque une rupture définitive avec le public punk des débuts qui reproche au groupe d’avoir vendu son âme et qui gueule : ″ Disco Sucks ! ″ [NDLR Le Disco c’est Nul!]. Sorti en janvier 1979, le single Heart of Glass devient numéro un aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Australie et en Autriche. John Lennon aurait, paraît il, envoyé une carte postale de New York à Ringo Starr; il lui conseillait d’écrire plus de chansons comme Heart of Glass.

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Patrick BETAILLE, mai 2023

 

 

Mungo Jerry – In the Summertime

 

Coiffure afro, rouflaquettes impressionnantes, dents du bonheur, c’est le look Ray Dorset, chanteur et guitariste d’un groupe connu sous le nom de The Good Earth. En 1968, Ray se consacre à la musique en dilettante et travaille chez TIMEX à Londres où il vit. C’est probablement à cause de perspectives professionnelles peu réjouissantes et pour des raisons de morosité climatique qu’il se met à composer. L’un des ses amis, Barry Murray, alors producteur chez Pye Records, lui offre la possibilité de signer avec la maison de disques. La formation change de nom pour adopter celui de Mungo Jerry en référence à Mungojerrie, l’un des personnages du livre de TS Eliot: Old Possum’s Book of Practical Cats. Un premier single est enregistré. In the Summertime sort en mai 1970, juste après une apparition du groupe au Newcastle Hollywood Festival dans le Staffordshire, sur la même affiche (certes tout en bas) que Grateful Dead, Black Sabbath, Free et Traffic. Excusez du peu! Succès immédiat principalement dû au fait que la jeunesse reçoit les paroles en tant qu’hymne au soleil, à l’insouciance et à la liberté.
En été, tu peux t’étirer et toucher le ciel. Quand il fait beau tu penses aux filles. Boire un verre, se balader. Sors et pars à la rencontre. Si ton père est riche, invite la au restaurant. S’il n’a pas les moyens, improvise. Prends la route et file à 160 ou plus. Au coucher du soleil tu pourras prendre du bon temps sur une aire de repos. Viens avec nous. Nous ne sommes ni tristes, ni sales, ni méchants. Nous aimons tout le monde mais nous faisons ce qui nous plait. Quand il fait beau on part pêcher ou se baigner. Nous sommes toujours heureux, la vie est faite pour être vécue. Ouais, telle est notre philosophie, chante la avec nous! Quand vient l’hiver, il est temps de faire la fête. Amène une bouteille, invite tes amis, porte des vêtements clairs car l’été reviendra. Alors nous chanterons à nouveau, nous irons flâner, nous promener en ville et peut-être que nous y resterons ″.
Retentissement étonnant pour ce titre qui, de l’Afrique du Sud à la Suisse, figure immédiatement en première place de tous les hit parades et deviendra – avec 30 millions d’exemplaires écoulés – le troisième single le plus vendu au monde, derrière White Christmas de Bing Crosby et Candle in the Wind de Sir Elton John. In the Summertime est à mille lieues des standards musicaux du début des seventies. Le temps d’un été, Mungo Jerry parvient pourtant à remettre à la mode le skiffle avec banjo, washboard, jug et piano ragtime. D’autres réussites comme Baby Jump ou Lady Rose suivront, en Grande Bretagne notamment, mais jamais avec une telle ampleur. Le quatuor d’origine éclatera peu après la sortie du premier LP pour réapparaitre en 1973 avec un nouveau line up, toujours emmené par Ray Dorset qui se fendra d’un nouveau tube: Alright Alright Alright, une adaptation du Et moi, et moi, et moi de Jacques Dutronc. Une fois n’est pas coutume.

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Patrick BETAILLE, avril 2023

 

Manfred Mann – Ha! Ha! Said the Clown

 

Il ne s’agit pas de ÇA, le personnage maléfique de Stephen King, pas plus que de l’une des multiples représentations du Joker. Le clown en question est un comédien de stand up qui se produit dans un cabaret. C’est là que se rend le protagoniste de l’histoire; le moral à zéro, il veut se changer les idées et se payer du bon temps. Sur place, son attention est attirée par une jolie fille qu’il tente de draguer. Elle lui sourit. Il pense parvenir à ses fins, jusqu’au moment où la belle lui avoue qu’elle est mariée à l’humoriste des lieux qui s’empresse de se moquer de lui: ″ Ha Ha ″ dit le clown! ″
″ Les paroles sont venues de nulle part. Probablement la réminiscence d’un souvenir de jeunesse, une situation au cours de laquelle deux gars du collège se disputaient les faveurs d’une même fille. Je me suis pointé et je les ai grillé. Un genre de: rira bien qui rira le dernier en quelque sorte. Aucun lien direct bien sûr, mais ce sont des choses qui arrivent lorsqu’on écrit des chansons: la fantaisie plutôt que la réalité ″.
 C’est ce que déclare l’auteur/interprète anglais Tony Hazzard à propos de cette chanson qui a nécessité plusieurs semaines pour se concrétiser par une démo présentable. Au cours de sa tournée des popotes, Hazzard finit par entrer dans les bureaux de Gerry Bron – alors manager de Manfred Mann – qui, séduit, propose que le titre soit enregistré par son groupe. Très peu enthousiastes à l’égard d’une composition qu’ils trouvent inintéressante, les musiciens finissent par céder devant l’insistance de Lillian Bron, l’épouse du manager. Enregistré début février 1967 dans les studios londoniens de Philips, le single sort le 24 mars.

Rapidement Ha Ha said the Clown figure en bonne position dans les classements de la presse spécialisée: quatrième place dans le Melody Maker et le New Musical Express. Numéro 1 en Autriche, Belgique et Pays-Bas, numéro 3 en France où il sera repris par Frank Alamo (Ho! Ho! fait le Clown), le titre ne parvient pourtant pas à investir les charts américains. Il faudra attendre juillet pour que la 45ème place du Bilboard Hot 100 des USA soit atteinte avec une reprise de… The Yardbirds. Sans Jeff Beck et avec Jimmy Page en tant que seul guitariste, le groupe de rock anglais est en perte de vitesse. Le producteur Mickie Most veut tenter de redorer leur blason en leur faisant enregistrer le rire du clown. Refus du désormais quatuor. Qu’à cela ne tienne, Most profite du fait que les Yardbirds soient en tournée et fait appel à des musiciens de studio à New York pour enregistrer la chanson sur laquelle la voix de Keith Relf sera ajoutée en overdub, à Londres cette fois. Hé, hé!

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Patrick BETAILLE, mai 2023

 

 

Le lundi c’est permis – RockOla!

 
[Michael Chabon – Auteur américain]: ″ I need to hear something that’s going to save my life: Selecting songs from a jukebox.
J’ai besoin d’entendre quelque chose qui va me sauver la vie: Une sélection de chansons à partir d’un juke-box ″.

Patrick BETAILLE, mai 2023

The Equals – Baby Come Back

 

Formé en Angleterre en 1965, The Equals était un groupe de pop anglaise composé de cinq musiciens dont Eddie Grant, auteur, compositeur et guitariste. Pour la première fois au Royaume-Uni, la formation intègre en son sein des blancs et des noirs jamaïcains, les jumeaux Dervin et Lincoln Gordon respectivement chanteur et batteur. Logiquement à l’époque, le répertoire du quintet s’appuie sur du ska teinté de rhythm & blues américain mais c’est avec un titre pop rock que la carrière de The Equals prend un tournant significatif avec Baby Come Back, une supplique pour le retour de l’être aimé.  ″Passer mes nuits dehors, dépenser mon argent en ville, faire n’importe quoi juste pour t’oublier, mais au matin c’est le retour à la case départ. Essayer de te sortir de mes pensées n’est qu’une perte de temps. Chérie reviens! Tu peux tout me reprocher, j’avais tort, mais je ne peux vivre sans toi. Donne moi une autre chance, reviens ″.

Lors de sa première sortie en juin 1967, la chanson composée par Grant figure en face B de Hold Me Closer qui passe relativement inaperçu. Quelques mois plus tard, le label change de stratégie et réédite le 45 tours en mettant Baby Come Back en face A. Et ça fonctionne! En Allemagne tout d’abord, grâce à un disc jockey qui diffuse très largement ce qui deviendra un hit international, culminant en tête des ventes en Belgique puis au Royaume-Uni en juillet 1968. Mais les meilleures choses ont une fin. Après quelques autres tubes, dont deux au Top 10 britannique (Viva Bobby Joe et Black Skin Blue Eyed Boy), des problèmes juridiques avec la maison de disques mettront fin à la production discographique du groupe qu’ Eddie Grant abandonnera en 1971.

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Patrick BETAILLE, avril 2023

 

Eddie Cochran – Summertime Blues

De Skinny Jim à Pretty Girl, Edward Raymond Cochran n’obtient que d’obscurs succès, mis à part peut être lorsque, armé de sa guitare Gretsch rouge, il interprète Twenty Flight Rock dans le film The Girl Can’t help It (La Blonde et Moi). Tout change en 1958 avec un titre composé avec Jerry Capehart, auteur-compositeur et ami grâce à qui le chanteur obtient la possibilité d’enregistrer au Gold Star Recording Studios à Hollywood. Écrit en 45 minutes Summertime Blues est publié en single au mois de juin 1958. Plutôt que les joies et l’insouciance de l’été, la chanson évoque le mal être des adolescents face aux contraintes imposées par la société. ″Je vais parler d’un problème et pousser un coup de gueule. Travailler tout l’été juste pour gagner un malheureux dollar! Quand j’essaie d’avoir un rendez-vous avec ma chérie, mon boss me dit: hors de question fils, tu bosses ce soir! Je me demande ce que je vais devenir… En plus mes parents m’ont dit: fils, si tu veux utiliser la voiture pour aller rouler dimanche prochain, tu dois gagner ta croûte. Résultat, j’ai pas été bosser, j’ai dit à mon patron que j’étais malade. Je vais partir deux semaines, prendre des vacances et évoquer mon problème à l’ONU. J’en ai parlé à un membre du Congrès qui m’a dit: j’aimerais bien t’aider fils, mais tu es trop jeune pour voter. Je me demande ce que je vais devenir! Il n’existe aucun remède contre la déprime de l’été .
Le titre fait mouche auprès de la jeunesse qui se retrouve pleinement dans les paroles. Musicalement tout le classicisme du rock’n’roll accompagne le texte: riff simple et efficace, rythme syncopé, nervosité du chant, claps de mains, tout y est pour bâtir une image à partir de laquelle le mythe du rebelle ne cessera de croitre, atteignant son apothéose en 1960, après le décès d’Eddie Cochran dans un accident de voiture.
Summertime Blues est intronisé au Grammy Hall of Fame en 1999. Classé 73ème dans la liste des 500 plus grandes chansons de tous les temps du magazine Rolling Stone. De Ritchie Valens à Patti Smith en passant par Jimi Hendrix ou les Black Keys le titre sera très souvent repris et à toutes les sauces. Parmi les versions les plus éruptives il faut retenir celle de Blue Cheer sur l’album Vincebus Eruptum en 1968 et bien sûr celle jouée durant quasiment tous les concerts par les Who. Dany Logan sera le premier à adapter la chanson en français en 1963 sous le titre Le soleil de l’été. Pour Johnny ce sera en 1975 avec La Fille de l’été Dernier.

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Patrick BETAILLE, avril 2023

Zager & Evans – In the Year 2525

 

Des hymnes hippies comme Let the Sunshine In, aux chansons bubblegum du genre Sugar, Sugar en passant par les grands classiques des Beatles ou d’Elvis, la fin des sixties a connu sont lot de ritournelles marquantes. Marquantes et étranges aussi. C’est le cas de In the Year 2525 qui, pour la première fois, aborde musicalement le thème de la science fiction en évoquant les appréhensions de l’époque mais aussi l’émerveillement inquiet à l’égard de la technologie. ″En 2525, si l’homme est encore vivant, si la femme arrive à survivre sur, ils connaitront peut-être l’an 2035. Tu n’auras pas besoin de dire la vérité ni de mentir, car tout ce que tu penses, fais et raconte sera dans la pilule que tu auras avalée. En 2045, tes dents et tes yeux ne serviront à rien;  il n’y aura plus rien à mâcher et plus personne ne te regardera. En 5555, tes bras et tes jambes seront inutiles, des machines les auront remplacés. En l’an 6565, plus de couples, tu choisiras ton fils ou ta fille dans une éprouvette… ″. Le single sous-titré Exordium & Terminus évoque élégamment le début et la fin, celle de l’homme une fois que la technologie aura pris le dessus.
Tout un programme élaboré par Rick Evans, popularisé par une radio texane et mondialement distribué en single par RCA Victor. Succès astronomique pour le duo folk-rock Zager & Evans. Il faut dire que l’époque se prête à merveille aux errances futuristes. Deux longs-métrages de sci-fi paraissent sur les écrans: La Planète des Singes et 2001, L’Odyssée de l’espace. Le 11 juillet, David Bowie raconte l’histoire du Major Tom lors de son Space Odity. Jugé naïvement fantasmagorique et descendu par de nombreux critiques, In the Year 2525 devient pourtant numéro 1 du Billboard Hot 1001 le 12 juillet 1969 et conserve cette place pendant six semaines. La chanson est ainsi en tête des charts anglais et américains lorsque Neil Armstrong pose le pied sur la Lune le 20 juillet. Bien qu’au bas de la liste alphabétique des artistes, Zager & Evans se retrouvent à côtoyer les étoiles avec leur hit écoulé à plus de 10 millions d’exemplaires. Les LP In the Year 2525 (Exordium & Terminus) et Zager & Evans en 1970 seront boudés par le public. Après, Food for the Mind, troisième tentative sortie en 1971 dans l’indifférence générale, le tandem du Nebraska redescendra sur terre pour disparaître à jamais des radars. Une version francophone intitulée L’an 2005 a été écrite par Boris Bergman et interprétée en 1969 par Dalida et par Richard Anthony.

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Patrick BETAILLE, avril 2023

Them – Gloria

 

Les Them, ce sont eux, un groupe rock de Belfast. En octobre 1964, le quintet enregistre son deuxième single, avec en Face A une reprise d’un standard de blues à mettre au crédit de Big Joe Williams: Baby Please Don’t Go , une tuerie! Sur la Face B, une composition du chanteur Van Morrison. Au départ peu diffusée en Angleterre, Gloria trouve en mars 1965 un écho très favorable aux Etats-Unis, parmi un public déjà friand de garage rock. Au point que sur la réédition d’avril 1966, Gloria est promue en face A. Particulièrement connue pour son rythme syncopé et son refrain énumérant une à une les lettres du prénom Gloria, celui de la nièce de Van alors âgée de 13 ans. Pour le texte, c’est une autre histoire, sans rapport aucun avec l’adolescente en question, surtout s’agissant de digressions d’origines diverses. Deux minutes et demie sans ambiguïté qui, sur scène, faisaient souvent l’objet d’une jam à rallonge avec force détails on ne peut plus explicites. Quiconque avait un doute quant au sens des paroles comprenait alors ce qu’il se passait quand une groupie allait à la rencontre d’une rock star. ″Elle arrive chez moi, monte les escaliers et frappe à ma porte. Allez viens! La voici dans ma chambre. Comment t’appelles tu? Quel est ton nom? Quel âge as-tu? Tu vas à l’école? Ton père est au travail, ta maman est sortie faire du shopping. Montre toi, enroule tes jambes autour de mon cou, tes bras autour de mes pieds, tes cheveux sur ma peau. Vas y doucement, c’est bon, je suis bien. Oh oui! Ça va trop vite, c’est de plus en plus difficile. Allez, continue, rends moi heureux! C’est trop tard, trop tard, je ne peux pas me retenir… G-L-O-R-I-A (dʒi-ɛl-o-ar-aɪ-eɪ)Rhââ lovely! comme disait Gotlib! Devenu immensément populaire, le titre n’a pas pour autant fait de Van Morrison un homme riche. En réalité, pas du tout au fait des arcanes de l’industrie musicale et ne s’intéressant pas à la gestion de ses propres intérêts, Morrison aurait perdu au moins 250 000 $, une énorme somme compte tenu de l’époque. Depuis plus de 60 ans, le nombre d’artistes ou de groupes ayant repris cet hymne à l’amour, en concert ou en studio, est tout bonnement incalculable. Parmi mes interprétations préférées: celle au texte modifié de Patti Smith sur l’album Horses de 1975, comprenant en introduction un extrait de l’un de ses poèmes: ″Jesus died for somebody’s sins but not mine…″ (Jésus est mort pour les péchés de quelqu’un mais pas les miens…), les versions en public des Doors et de Eddie & The Hot Rods. Enfin et surtout la version de Popa Chubby en 2001, chantée par sa femme Galea, disponible sur l’album Flashed Back et en version live sur l’excellent Popa Chubby Live At FIP paru en 2003. 

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Patrick BETAILLE, mars 2023

 

Steppenwolf – Born to be Wild

 

Vers le milieu des années 60, John Kay chante au sein de The Sparrow, un groupe de blues-rock canadien managé par Stanton J. Freeman. Proposition est faite aux musiciens de se produire aux Etats-Unis. En 1967, Kay, Nick St. Nicholas le bassiste et le batteur Jerry Edmonton quittent la formation et partent pour San Francisco où ils fondent Steppenwolf. L’aventure peut commencer. Très vite, en janvier 1968, sort le premier album éponyme qui contient déjà des titres qui deviendront la meilleure des signatures musicales du moment: Sookie Sookie, The Pusher et surtout Born to be Wild. Ce dernier a été écrit par le guitariste Dennis Edmonton (le frère de Jerry) sous le nom de Mars Bonfire. Expliquant comment lui est venue l’idée, Bonfire raconte: ″ Je venais d’acheter ma première voiture et un jour que je me promenais sur Hollywood Boulevard, j’ai vu une affiche sur laquelle le slogan ″Born to Ride″ était illustré par une moto jaillissant de terre dans un torrent de lave. L’idée de la moto et de la liberté associée à la joie de posséder ma propre bagnole a alors fait son chemin ″. Le texte est aujourd’hui considéré comme étant à l’origine de l’appellation ″Heavy Metal″. En effet, le troisième couplet de la chanson parle de tonnerre métallique: ″Démarrer le moteur, partir sur la route en quête d’aventure, à la découverte des grands espaces… J’aime la fumée, le feu et le grondement dense du métal… Nous sommes des enfants de la terre, nés pour être libres et nous pouvons aller si loin. Jamais je ne voudrais mourir, je suis né pour être libre ″. À l’époque, Denis Hopper est en train de monter son film Easy Rider. Il souhaite que Crosby, Stills & Nash enregistrent la BO mais il y a un désaccord profond car – dixit le réalisateur – ces mecs qui roulent en limousine sont incapables de comprendre l’essence même de mon road movie. C’est là la raison pour laquelle la musique du film devient un assemblage composé par différents artistes. Une seule chanson est écrite spécialement pour la circonstance: Ballad of Easy Rider de Roger McGuinn. Belle opportunité pour Steppenwolf qui se retrouve un peu par hasard aux côtés de Jimi Hendrix, Electric Prunes, Roger McGuinn, The Byrds et Smith avec deux titres: The Pusher et le désormais incontournable Born to be Wild qui parait en juin 1968. C’est le troisième single du groupe mais c’est aussi celui qui obtient le plus grand succès – atteignant la deuxième place du Billboard Hot 100 américain – et se retrouve à la 129 ème place des 500 plus grandes chansons de tous les temps référencées par Rolling Stone Magazine. L’engouement du public pour ce titre prend d’énormes proportions après la sortie et le succès phénoménal en salle de Easy Rider. Devenu un véritable hymne à la gloire de la moto et le symbole de la contre-culture biker, Né Pour Être Libre se retrouve à l’honneur dans beaucoup de séries TV, de publicités, de films et fait l’objet d’un nombre impressionnant de reprises: Wilson Pickett, Blue Oyster Cult, Status Quo, The Cult, U2, Krokus, Ozzy Osbourne, Joe Lynn Turner, Slayer, etc. Même Kim Wilde!

Le groupe de glam rock britannique Slade en a fait également une reprise avec laquelle il clôturait tous ses concerts. Pour preuve l’étonnamment fougueux Slade Alive! paru en 1972.

En 2004, Paris Hilton demande l’autorisation d’utiliser la chanson dans le cadre de son émission de télé-réalité: The Simple Life. Refus catégorique de la part de John Kay: ″ Même un rocker ne s’abaisserait jamais à accepter pareille chose! ″. C’est dit et bien dit. Faut quand même pas déconner hein?!

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Patrick BETAILLE, mars 2023