Dans le monde du rock énervé il y a trois catégories de femmes qui parviennent à occuper le devant d’une scène généralement squattée par la gent masculine. Celles que j’appelle les plasticiennes d’abord. Elles sont physiquement intelligentes et savent se servir de leurs atouts pour se mettre en valeur, souvent pour faire oublier que leurs voix, même honnêtes, n’ont que peu de chance de vous faire grimper aux rideaux. Les tonitruantes ensuite. Celles qui sont ou qui veulent se (nous) persuader qu’il n’y a pas que les mecs qui en ont et qu’elle peuvent gueuler aussi fort et parfois mieux que les testostéronés de service. Et puis il y a les autres – pas si nombreuses que ça – qui parviennent à sortir du lot en se payant le luxe d’établir un pont entre deux genres. Taylor Monsen en fait partie. Grâce à cette frontwoman aux allures de poupée Barbie, tôt tombée dans la marmite du rock high energy et dotée d’une voix grave, sensuelle et légèrement rauque, The Pretty Reckless a su s’imposer. Après trois albums honorables, les new-yorkais sont de retour avec un Death by Rock and Roll qui pourrait bien devenir l’album de la consécration. Pour ce quatrième opus, le groupe a travaillé avec Pearl Jam et le batteur de Soundgarden (Matt Cameron) sur quelques titres et a également fait appel à Tom Morello (Rage Against the Machine). Sorti en février 2021, ce manifeste de 12 titres a beaucoup gagné en maturité. Riffs acérés, tempos lourds et vocalises efficaces (Death By Rock And Roll – Only Love Can Save Me Now – And So It Went – My Bones) sont toujours d’actualité mais c’est surtout par leur créativité que la belle insouciante et ses fines lames parviennent à passer à la vitesse supérieure en sortant des sentiers battus. Compositions mid tempo (25 – Witches Burn – Turning Gold) ou semi acoustiques (Go so High), registre parfois country rock (Rock and Roll Heaven – Harley Darling), ballade orchestrée (Standing at the Wall), de quoi prouver que The Pretty Reckless porte désormais haut les couleurs d’un rock persuasif, mélodieux et donc intéressant.
Patrick BETAILLE, septembre 2022