Bobby Fuller – I Fought the Law

 

L’histoire débute tragiquement le 3 février 1959 par un crash dans un champ de l’Iowa. L’avion transportait des musiciens qui devaient se produire en concert dans le Minnesota, puis dans le Dakota du Nord. Quatre personnes sont tuées sur le coup. Parmi eux, Richie Valens et Buddy Holly, alors guitariste du groupe The Crickets.
Sonny Curtis, un ami de Buddy, guitariste texan comme lui, décide de rejoindre le groupe pour remplacer son copain. C’est avec cette nouvelle formation qu’il enregistre une chanson écrite peu avant et qui figure sur le premier LP post Holly : In Style With the Crickets. I Fought the Law paraît en single en décembre 1960. Le texte raconte l’histoire d’un délinquant rattrapé par la justice. En prison, sa copine lui manque, dans tous les sens du terme.
J’ai enfreint la loi et la loi a gagné. Ma chérie me manque et les moments passés avec elle aussi. Je l’ai abandonnée et je me sens tellement mal. Ma vie est foutue. C’est la meilleure nana que j’ai jamais eue. J’ai enfreint la loi et la loi a gagné. Je n’avais pas d’argent, j’en avais besoin, alors j’ai commis des braquages avec un flingue fait maison. J’ai enfreint la loi et la loi a gagné. J’ai abandonné ma chérie et je me sens si mal. Ma vie est foutue, j’ai enfreint la loi et la loi a gagné ″.
Il y a fort à parier que si Buddy Holly avait été encore de ce monde, la chanson aurait eu un retentissement immédiat. Il faudra attendre cinq ans pour que le titre sorte de l’ombre. Après avoir végété avec quelques hits mineurs, Bobby Fuller – un autre texan – décide d’enregistrer I Fought the Law qui sort en 45 tours en octobre 1965 sous le nom de Bobby Fuller 4 [normal, ils sont quatre – NDLR]. Six mois après que le titre ait fait son apparition au Billboard Top 10, Fuller est retrouvé mort dans la voiture de sa mère stationnée dans un terrain vague de Los Angeles. La police déclare qu’il s’agit d’un suicide par asphyxie, mais d’autres pensent qu’il a été assassiné.
Plus tard encore, nouveau rebondissement. De passage à Los Angeles, les Clash entendent la chanson sur un jukebox et décident de l’enregistrer. Leur version est plus sombre : ″ J’ai abandonné ma chérie ″ est remplacé par ″ j’ai tué ma chérie ″. CBS publie en Juillet 1979 ce qui deviendra l’hymne punk du moment.
En 1987 c’est Jello Biafra et ses Dead Kennedys qui s’y collent. Sur la compilation Give Me Convenience or Give Me Death, bien loin de la version originale, les paroles deviennent un hymne à l’anarchie évoquant l’alcool, le sexe, la corruption, la mort et le fric, le tout ponctué par un refrain de circonstance : ″ J’ai enfreint la loi et j’ai gagné  ″.

Patrick BETAILLE, mars 2024

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Desmond Dekker – Israelites

 

Originaire de Kingston en Jamaïque, Desmond Adolphus Dacres fréquente dès son plus jeune âge l’église locale dans laquelle il chante régulièrement. Plus tard, au cours de son activité professionnelle, son talent attire l’attention de ses collègues qui l’encouragent à se lancer dans une carrière musicale.
Après quelques déboires, l’auteur-compositeur et interprète obtient en 1961 son premier contrat d’enregistrement avec Liberty Records. Celui qui dorénavant se fera appeler Desmond Dekker devra tout de même attendre deux ans avant de pouvoir sortir un premier disque.
Entre temps, Dekker a repéré le talent de l’un de ses collègues soudeurs qu’il parvient à convaincre de rencontrer Leslie Kong, le producteur de sa maison de disques. C’est ainsi qu’en 1962 sont gravés et publiés Judge Not et One Cup Of Coffee, les deux premiers singles de Bob Marley qui, pour le reste de sa vie, accordera gratitude, respect et admiration à son ami.
Finalement, en 1963 Liberty publie Honour Your Mother and Father (la chanson que Desmond avait chantée lors de son audition deux ans auparavant) et qui devient un succès jamaïcain. La carrière de Dekker est lancée, faisant de lui l’une des plus grandes stars de l’île. Quatre frères sont alors recrutés en tant que choristes permanents pour jouer, sous le nom de Desmond Dekker and the Aces, un mélange de ska, de rocksteady et de reggae. La nouvelle formation enregistre bon nombre de titres mettant en valeur la culture jamaïcaine mise à mal par les difficultés économiques et les problèmes sociaux. Initialement publié en Jamaïque, Poor me Israelites doit beaucoup au hasard. Desmond Dekker en a eu l’idée en assistant a la dispute d’un couple. La femme reprochait le manque d’argent à son mari qui travaillait dur pour subvenir aux besoins du foyer. Deux accords de guitare et des mots qui claquent :
Se lever le matin et travailler dur pour gagner sa croûte et apaiser la faim de toute la famille. Pauvre de moi. Femme et enfants m’ont quitté ″.
Il est probable qu’au delà des mers le public ait été incapable de saisir le sens profond du texte chanté en créole jamaïcain mais musicalement le charme opère. Beauté de la voix, rythme enjoué et harmonies chorales suscitent un plaisir immédiat. Raccourci en Israélites, le single devient l’un des premiers succès internationaux rastafari. Il atteint les sommets des charts au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis. Dès lors, la Jamaïque devient le premier exportateur de bananes, de bauxite et de… Reggae.

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Patrick BETAILLE, février 2024

Bo Diddley – Who Do You Love?

 

Parcours pour le moins atypique que celui de Ellas McDaniel. Enfant abandonné par sa mère de 15 ans incapable de subvenir à ses besoin, il est confié à sa tante qui, en 1935, s’installe dans un ghetto au sud de Chicago. Dès l’âge de sept ans, le gamin apprend le violon et commence à jouer et à chanter le gospel dans l’église de son quartier.
À 12 ans il reçoit sa première guitare, l’accorde comme son violon et commence à en jouer en imitant le mouvement de l’archet avec un médiator. De l’église, dans laquelle il joue tous les jours, à son domicile, les rues sont mal famées et il doit apprendre à se battre avec les délinquants du quartier, ne serait-ce que pour protéger ses instruments. Tout en restant dans le droit chemin, il quitte l’école de bonne heure pour s’initier à la menuiserie et la lutherie. Parallèlement il se met à la boxe qu’il abandonnera rapidement pour se consacrer à la musique. Avec The Hipsters, son premier groupe, il joue dans les rues et dans les bars tout en vivotant de petits boulots pour assurer son quotidien. À temps perdu, il bricole des effets pour sa guitare, enregistre des maquettes et démarche les maisons de disques. Séduits par le son original et par le rythme afro-cubain de ses compostions, les frères Chess le signent et lui font enregistrer Bo Diddley/I’m a Man (avec Willie Dixon à la contrebasse), un premier disque qui sera le prétexte pour Ellas Mc Daniel de devenir Bo Diddley. Surfant sur la vague rock’n’roll, le guitariste part en tournée et continue à enregistrer des titres qui malheureusement intéressent peu ou pas les médias.
Influencé par John Lee Hooker et inspiré par le I’m Your Hoochie Coochie Man de Muddy Waters, Bo enregistre Who do you Love ? Une espèce de shuffle hypnotique au cours duquel le protagoniste harcèle de questions sa femme qu’il soupçonne d‘adultère. Le single sort en 1956 sans atteindre les charts. Le public commencera à s’intéresser à la chanson et à toutes celles incluses dans la compilation sortie en 1958 : Bo Diddley. Des titres tels que Who Do You Love bien sûr, mais aussi Before You Accuse Me, Pretty Thing, I’m a Man ou Road Runner auront une énorme influence sur les jeunes britanniques qui découvrent le blues et les premiers disques de rock’n’roll. Plus encore après la tournée de Diddley au Royaume-Uni en 1963, avec en première partie un jeune groupe débutant et motivé: les Rolling Stones. Ses chansons ont été source d’inspiration pour de nombreuses formations et artistes anglais ou américains majeurs. Doors, Johnny Kidd, Yarbirds, Animals, Johnny Winter, Who, Bob Seger, Dr. Feelgood, etc. Sur leur deuxième album, Move It on Over paru en 1978, George Thorogood et ses Destroyers ont gravé de belle manière une version de Who Do You Love?

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Patrick BETAILLE, janvier 2024

Canned Heat – On the Road Again

 

C’est l’histoire d’une rencontre. Celle en 1964 de Bob Hite, un employé de magasin de disques de Los Angeles, et de l’un de ses meilleurs clients, un collectionneur répondant au nom de Alan Wilson. Ensemble, ils décident de former un jug band pour partager leur passion commune pour le blues en se produisant dans la rue. Ils sont rejoints par le guitariste Henry Vestine, récemment viré des Mothers of Invention de Frank Zappa, puis par le batteur Frank Cook un virtuose ayant œuvré aux côtés de Chet Baker. Canned Heat était né. Pour le nom, Alan Wilson s’inspire du Canned Heat Blues de Tommy Johnson.

Le ″ canned heat ″ en question était une boite de conserve contenant de l’alcool gélifié, vendu comme chauffage d’appoint rudimentaire. Détourné de sa destination première il est devenu une boisson forte, très prisée dans les milieux pauvres. En juin 1967, le bassiste Larry Taylor arrive, le groupe se fait un nom lors du Monterey Pop Festival, et en juillet, Liberty Records sort un premier album éponyme contenant, entre autres, des reprises de standards de blues de Willie Dixon, Robert Johnson et Muddy Waters. Fin 1967, Fito De La Parra vient remplacer Frank Cook à la batterie. Boogie with Canned Heat, le deuxième LP, sort le 21 janvier 1968. Contrairement à son prédécesseur il contient principalement des compositions du groupe dont On the Road Again. La première version de l’album, dure 5 minutes. Pour être diffusée sur les radios, une version de 3 minutes amputée des solos d’harmonica et de guitare paraît en single aux États-Unis en avril 1968. Alan Wilson – aka ″ Blind Owl ″(chouette aveugle) à cause de sa mauvaise vue – est un compositeur habile, un harmoniciste de génie (le meilleur du monde d’après John Lee Hooker) et un chanteur à la voix haute. C’est lui qui chante sur son adaptation du blues de Floyd Jones, alors qu’habituellement la tâche incombe à l’imposant et tonitruant Bob Hite surnommé ″ The Bear ″ en raison de sa forte corpulence. Voix de fausset, bourdonnement magique de l’harmonica et présence obsédante du luth indien provoquent une sensation de étrange de bien être à l’écoute des paroles évoquant le besoin et l’envie de voyager pour fuir les réalités de la vie quotidienne.
Je suis si fatigué d’être triste. Je repars. La première fois que j’ai pris la route, seul, sous la pluie et la neige, je n’avais pas d’argent, aucun endroit où aller et ma mère m’avait quitté. J’étais encore jeune ″.
On the Road Again et une prestation au festival de Woodstock en août 69 consacrent mondialement Canned Heat et son blues mâtiné de boogie. La chanson se classe à la seizième place du Billboard américain et devient l’un des tubes de l’été 68 en Europe.

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Patrick BETAILLE, janvier 2024

Bill Haley – Rock Around the Clock

 

Pas mal de controverses quant à savoir quelle a été la première chanson rock’n’roll jamais enregistrée. En 1991, après de nombreux et longs débats, le Rock and Roll Hall of Fame tranche en faveur de Rocket 88. Ce morceau a été enregistré le 5 mars 1951 par Jackie Brenston et Ike Turner au cours d’une session dans le studio du producteur Sam Phillips.
Ce dernier vend la chanson à Chess Records, qui l’édite en single en avril, sous le nom de Jackie Brenston & his Delta Cats. Publié le 5 mars 1951, Rocket 88 entre dans le classement rhythm & blues du Billboard à la fin du mois d’avril, atteint la première place en juin pour y rester cinq semaines consécutives. Saisissant l’opportunité, Bill Haley enregistre sa propre version en juillet avec son groupe The Saddlemen. Il est le premier musicien blanc à faire une reprise d’un N°1 de rhythm & blues. 1953 sera un tournant pour le chanteur de Detroit qui abandonne la country and western et les costards de cowboys pour se consacrer à un genre nouveau, mélange de rhythm & blues et de hillbilly : le rockabilly. Changement de nom également pour les musiciens qui l’accompagnent ; dorénavant il s’agit de Bill Haley and His Comets [évidemment en référence à la comète de Halley – NDLR]. À partir d’une composition de Sonny Dae & Jimmy De Knight une maquette voit le jour et parvient chez DECCA qui s’empresse de proposer un contrat. Le 12 avril 1954, Bill et ses sept comètes entrent en studio et enregistrent Rock Around the Clock. Publié en mai en face B de Thirteen Women – l’histoire d’un homme qui se retrouve seul avec 13 femmes après l’explosion d’une bombe H – le single passe tout d’abord inaperçu. Mais Jimmy De Knight, conseiller technique pour Blackboard Jungle [Graine de violence – NDLR], choisit ce titre comme chanson principale. Le film sort en mars 1955 et rencontre un succès considérable. Réédité en Face A dans la foulée, Rock Around the Clock entre dans le Billboard Hot 100 en mai, pour s’y installer numéro 1 des ventes aux États-Unis pendant 8 semaines.
À l’époque, le magazine Billboard effectuait les classements des chansons dans trois catégories différentes : les meilleures ventes en magasin, les plus diffusées en radios et les plus jouées dans les jukebox. En cochant toutes les cases à la fois et avec plus de 30 millions d’exemplaires vendus en 50 ans, Rock Around the Clock est devenu le moment zéro de l’histoire du rock.
En 2018 aux USA, elle sera sélectionnée par la Bibliothèque du Congrès pour être conservée dans le National Recording Registry, car elle est ″ elle est culturellement, historiquement et artistiquement significative ″.

 

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Patrick BETAILLE, décembre 2023

Deep Purple – Hush

 

Parmi les titres de Shades of Deep Purple, le premier album du groupe de hard rock britannique, figurent trois reprises dont Hush, une composition de Joe South (Cf Billy Joe Royal – Hush). Publié en même temps que LP en juillet 1968, le single connaît un succès foudroyant aux Etats-Unis, grâce notamment à l’ambiance musicale à la fois pop et heavy élaborée à l’orgue par John Lord. Ce dernier qui était alors fasciné par le style et du son de Vanilla Fudge déclarait :  » J’ai commencé à faire ces trucs déjantés à l’orgue avec The Artwood et St. Valentine’s Day Massacre, mes groupes précédents. J’ai joué cette partition comme avec des congas. Le rythme de Hush ressemble plutôt à une samba. »
La chanson est l’une des préférées des fans, mais Ian Gillan venu remplacer Rod Evans en 1969 ne voulait l’interpréter durant les concerts avec le Mark II de Deep Purple. Il a fallu attendre l’arrivée du guitariste Steve Morse en 1994 pour qu’elle soit intégrée dans les setlists. Hush version Pourpre Profond apparaît dans le film Once Upon a Time… in Hollywood en 2019 et, en 2021, dans Cruella.

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Patrick BETAILLE, décembre 2023

Aretha Franklin – Think

 

S’il est une artiste qui mérite bien le surnom de ″ Queen of Soul ″, c’est bien Aretha Franklin. Originaire de Detroit, cette chanteuse à la technique et à la tessiture de voix surprenantes fera à jamais partie des figures emblématiques de la musique populaire à consonance soul, rythme and blues et gospel qu’elle pratiqua depuis l’âge de 12 ans.
A 19 ans, elle épouse l’auteur-compositeur-producteur-manager Ted White qui prend en charge sa carrière en 1961 et lui obtient un contrat avec Columbia, label sur lequel paraît un premier album de jazz et quelques singles grâce auxquels Aretha commence à se faire un nom. Bien que massivement diffusés à la radio, les disques de l’artiste se vendent mal. Sa voix est jugée trop typée pour pouvoir concurrencer Barbra Streisand et trop jazz pour inquiéter Diana Ross. En novembre 1966, son contrat pour Columbia expire. Aretha signe alors avec Atlantic Records et, en janvier 1967, elle se retrouve dans les studios Fame de Muscle Shoals en Alabama pour enregistrer l’album I Never Loved a Man the Way I Love You. Le 10 avril 1967, Atlantic commercialise un deuxième extrait de l’album, une reprise d’une chanson d’Otis Redding : Respect. Ce second 45-tours se hisse à la première place des charts R&B pendant 8 semaines. C’est le début d’une célébrité qui se solde par une vingtaine de disques d’or et classe 8 albums en tête des charts. En 1968, la Reine sort les albums Lady Soul et Aretha Now, portés par les tubes Chain of Fools, I Say a Little Prayer et surtout Think qui paraît en single le 2 mai 1968. Les paroles de cette chanson d’amour féministe trouve un écho immédiat.
Tu ferais mieux de réfléchir. Pas besoin d’un QI élevé pour comprendre ce qu’il se passe. Tu n’as pas le droit d’exiger quoi que ce soit. Je pourrais te répondre mais je ne le ferai pas. J’étais sur le point de céder mais je ne le ferai pas si tu continues à faire ce que je ne veux pas. Tous les jours certains tentent de faire perdre la tête à d’autres, alors fais attention à ne pas perdre la tienne. Tu as besoin de moi et j’ai besoin de toi. Réfléchis bien à ce que tu vas faire chéri, car je n’aurai pas d’autre choix que d’aller voir ailleurs. Penses-y !
Respect et Think deviennent rapidement la signature de l’interprète. Avec ces symboles de la lutte pour l’égalité et la liberté, cris de ralliement du mouvement pour les droits civiques et hymnes féministe, le phénomène Aretha Franklin est lancé. En 1980 Think redevient un succès international avec The Blues Brothers. Dans le film, Aretha chante en jouant le rôle de la propriétaire du Soul Food Café qui s’adresse à son mari – le guitariste Matt Murphy – sur le point de la laisser tomber pour rejoindre le groupe de Jake et Elwood Blues.

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Patrick BETAILLE, décembre 2023

Ten Years After – I’m Going Home

 

Originaire de Nottingham au Royaume-Uni, ce groupe de blues rock est issu de la rencontre en 1964 du guitariste Alvin Lee et du multi-instrumentiste Leo Lyons. Rejoints trois ans plus tard par le batteur Ric Lee (sans lien de parenté avec Alvin) et le claviériste Chick Churchill, le quatuor adopte le nom de Ten Years After.
En jouant des classiques de blues et de rock, la formation devient vite populaire, au point d’être considérée comme l’une des meilleures du blues boom de la fin de la décennie et d’obtenir en 1967 un contrat avec Deram, filiale de DECCA Records. S’en suit un premier album éponyme sans grand retentissement. Par contre, les prestations scéniques de TYA drainent de plus en plus de public. La maison de disques décide donc que le prochain LP serait un live. Enregistré sur la scène d’un petit club de jazz du sud-ouest de Londres, Undead paraît le 10 août 1968. Il ne reprend aucun des titres du premier opus studio mais offre des jams jazzy à rallonge mettant en valeur la vitesse et la technique incroyables d’ Alvin Lee, avec en point d’orgue une version de I’m Going Home, publiée en 45 tours fin novembre. Composées par le guitariste, les paroles sans intérêt [elles racontent l’histoire d’un gars très content de rentrer chez lui pour retrouver sa femme – NDLR] ne sont que le prétexte à un long et éblouissant solo. Lee rend hommage à quelques-uns de ceux qui depuis ses 13 ans nourrissent son inspiration et ponctue son set d’extraits de Blue Suede Shoes (Carl Perkins), Baby, Please Don’t Go (Big Joe Williams) et Whole Lotta Shakin’ Goin’ On (popularisée par Jerry Lee Lewis). Soutenu par une section rythmique brillante, il se livre, avec sa Gibson 335, à une démonstration de swing, de fluidité et de virtuosité étonnants qui malheureusement ne suffiront pas à garantir le succès du single auprès d’un public alors friand du heavy rock de Cream et Led Zeppelin.
Tout change l’année suivante, le 17 août 1969. Au cours de son passage au festival de Woodstock, Ten years After interprète une version de 10 minutes de I’m Going Home. C’est la seule chanson issue de la performance du groupe qui peut être vue dans le film de 1970 car l’équipe technique rencontre des difficultés pour pouvoir enregistrer la totalité du show. Loué pour l’énergie et la rapidité de son solo de guitare, celui que l’on surnomme désormais ″ Captain Speedfingers ″ est élevé au rang de guitar hero.
I’m Going Home – Woodstock Performance paraît en 45 tours en France en octobre 1970 et fera partie de la bande originale du film de Cédric Klapisch sorti en 1994 : Le Péril Jeune.

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Patrick BETAILLE, décembre 2023

The Lovin’ Spoonful – Summer in the City

 

Ce groupe qui initialement voulait jouer une sorte de jazz décontracté fut constitué en 1964 autour de John Sebastian, chanteur guitariste de la scène folk de Greenwich Village. Avec son mélange subtil de folk et de pop, The Lovin’ Spoonful va rapidement à la rencontre du succès.
Les sept premiers singles du quatuor se classent tous dans les dix premières places du Billboard Hot 100. Forts de cette notoriété et fidèles à leurs convictions les musiciens se permettent même décliner une offre de production de la part de Phil Spector et de refuser un contrat juteux avec Elektra pour rester fidèles à leur label Kama Soutra. En février 1966 Daydream se classe n°2 aux USA et au Royaume-Uni. Paul McCartney lui-même reconnaît avoir été influencé par cette chanson quand il écrivit Good Day Sunshine. The Lovin’ Spoonful* joue désormais dans la cour des grands et le prouve avec un single devenu immortel : Summer in the City.
La chanson est née d’une collaboration entre John Sebastian et son frère Mark qui ne faisait pourtant pas partie du groupe. Mark avait 15 ans lorsqu’il a écrit ce poème que John a utilisé comme trame et mis en musique. Le texte met en opposition ce que représente vivre en ville le jour et la nuit.

C’est l’été, il fait très chaud en ville, je suis anéanti. Pas une ombre, sur les trottoirs plus chauds qu’un bout d’allumette les gens ont l’air à moitié morts. La nuit c’est différent, c’est un autre monde. Sortir, rencontrer une fille et danser toute la nuit. Tout va bien. Il fait frais, tu es si jolie, je vais te chercher partout. Je monte les escaliers en courant, je te rejoins sur les toits. Tellement dommage qu’en ville les jours ne soient pas comme les nuits ″.

C’est bien de New York dont il s’agit. La ville où le groupe a vu le jour. Summer in the City a été enregistré en deux jours avec la première séance dédiée aux instruments et la deuxième consacrée au chant et aux effets sonores. On remarque en effet au milieu de la chanson des bruits de klaxons de voitures et de marteau-piqueur; bruits destinés à renforcer l’idée de stress généré par l’agitation urbaine.
Le single sort le 4 juillet 1966, le jour de la célébration de l’Indépendance aux USA, et se classera en tête du Billboard pendant trois semaines.

*Lovin’ Spoonful : expression employée dans le sud des États-Unis pour désigner la cuillerée d’eau sucrée donnée aux enfants pour faciliter la prise de médicaments au goût amer.

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Patrick BETAILLE, novembre 2023

Creedence Clearwater Revival – Proud Mary

 

Ce quatuor a probablement été durant les années 60 et au-delà, le groupe de rock le plus intéressant de l’histoire du rock. Originaires de Californie, John et Tom Fogerty, Doug Clifford et Stu Cook ont élaboré avec un mélange de blues, de country et de soul, un style musical très en marge du psychédélisme ambiant et des poètes introspectifs.
Pendant 8 années, sous les noms de Blue Velvets, puis des Golliwogs, les musiciens vont acquérir expérience et savoir-faire qui vont peaufiner un swamp rock [ou bayou rock – NDLR] énergique immédiatement reconnaissable grâce à la voix rocailleuse de John et aux trémolos de la guitare de son frère Tom. À partir de 1964, The Golliwogs enchaînent les singles sans succès et pour ne rien arranger John Fogerty et Doug Clifford sont appelés sous les drapeaux en 1966. Une fois dégagé de ses obligations militaires, John relance la formation sous le nom de Creedence Clearwater Revival. ″ Creedence ″ en hommage à un ami, ″ Clearwater ″ en référence à une marque de bière et ″ Revival ″ pour signifier un nouveau départ. CCR entre alors en studio pour enregistrer son premier LP éponyme duquel sont extraits trois simples : I Put a Spell on You de Screamin’ Jay Hawkins, Porterville (une compostion originale) et une version fleuve de Susie Q de Dale Hawkins qui sera le premier tube du groupe. L’année suivante, en janvier 69, sort le deuxième opus, Bayou Country, qui à part une reprise de Good Golly Miss Molly dekivousavé contient des compositions éblouissantes dont Born on the Bayou et surtout Proud Mary. Les deux titres sortent sur un seul single en même temps que l’album. Composée le jour où John Fogerty a obtenu ses papiers de démobilisation de l’armée américaine, la chanson était censée raconter l’histoire d’une femme qui travaille comme bonne chez des gens riches. C’est Stu Cook qui a suggéré l’idée d’évoquer un steamboat qui navigue sur le Mississippi. Séduit par le concept, John a modifié le texte qu’il avait en tête et a fait en sorte que les premiers accords évoquent les roues à aubes du bateau.
J’ai quitté un bon boulot en ville, bossé jour et nuit sans perdre une minute de sommeil à me demander de quoi demain sera fait. J’ai lavé beaucoup d’assiettes à Memphis et bien des vitres à la Nouvelle Orléans mais je n’ai jamais eu l’occasion de profiter des avantages de la ville. Je n’ai plus d’autre choix que d’aller à la rencontre des autres en prenant le bateau. La grosse roue tourne et la Fière Mary est en chauffe. Elle navigue et navigue encore. Si tu viens sur le fleuve, je parie que tu feras des rencontres ; tu n’as pas à t’inquiéter parce que tu n’as pas d’argent ″.
Bod Dylan déclare que c’est sa chanson préféré de l’année et le public ne s’y trompe pas. Proud Mary devient un énorme tube des deux côtés de l’Atlantique. Peu après, Bad Moon Rising et Lodi connaîtront le même sort, mettant CCR sur les rails d’une postérité phénoménale. Reprise avec bonheur en 1971 par Ike et Tina Turner, Proud Mary deviendra hélas risible avec la version française de Claude François qui lui préfère le train: ″ … et je roule, roule, vers mon arc-en-ciel. Roule, roule, pour m’éloigner d’elle…

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Patrick BETAILLE, octobre 2023