The Kingsmen – Louie, Louie

 

En 1956, Richard Berry entend un groupe interpréter El Loco Cha Cha Cha dans un club californien. Il pompe l’intro faite au piano et y rajoute des paroles sans queue ni tête sensées raconter l’histoire d’un marin qui explique à un barman prénommé Louie qu’il veut à tout prix rejoindre sa fiancée en Jamaïque. L’histoire aurait pu s’arrêter sur un petit succès d’estime si un groupe de l’Oregon qui vivotait de sa musique n’avait pas décidé de s’approprier la chanson et d’en faire sa marque de fabrique. Généralement, lors de leurs concerts The Kingsmen avaient en effet pour habitude de s’étendre joyeusement sur le titre en le faisant tourner parfois pendant plus d’une demi-heure. Un beau jour, impressionné par l’effet produit sur le public de son club, le taulier suggère au groupe d’entrer en studio. La formation décide alors de casser sa tirelire et Louie, Louie sort en mars 1963 sur un petit label local. Ironie du sort, un DJ de Boston déclare à l’antenne que l’enregistrement est ″le plus mauvais disque de toute l’histoire du rock’n’roll ″. Il n’en faut pas plus pour éveiller la curiosité des auditeurs et, contre toute attente, le morceau devient un hit, décroche une distribution nationale et pointe à la deuxième place du hit parade en décembre 1963. Et pourquoi pas la première? Tout simplement parce que Sœur Sourire squatte le top du Billboard Hot100 pendant quatre semaines avec sa chanson Dominique… nique… nique. Véridique!

Tout aurait été pour le mieux si ce succès aussi inattendu que n’avait donné envie à certains de se pencher sur les paroles. À l’origine, Richard Berry s’inspire du Havana Moon d’un autre Berry – Chuck – avec la même histoire de marin nostalgique  transposée de Cuba à la Jamaïque. ″ Louie, Louie! Je dois y aller, une belle fille m’attend. Je dois prendre le bateau et partir tout seul. Ce bateau j’en rêve, je pense à elle constamment, je peux sentir un parfum de rose dans ses cheveux. J’imagine la lune au-dessus de la Jamaïque…″ Quand il en fait la reprise avec ses Kingsmen, Jack Ely, le chanteur, ne comprend rien aux paroles. Sur certains passages il se contente d’ânonner les paroles, laissant penser qu’il s’agit d’obscénités: … ″ Je pense à elle tout le temps, je m’allonge sur mon lit et je me masturbe. J’imagine mon sexe dans ses cheveux, et que je la baise à fond. Hey ma belle je suis sexy comme l’enfer alors prend le maintenant! Y’en a pas pour longtemps…″. Plusieurs radios censurent le disque et le gouverneur de l’Indiana envoie Jack Ely devant les tribunaux au motif d’énoncé à caractère pornographique. Ely se justifie en déclarant qu’au moment de l’enregistrement il chantait loin du micro, raison pour laquelle ses propos sont déformés et donc mal compris. Le FBI lance alors une enquête approfondie, faisant même appel à des techniciens qui passent des jours à décortiquer la chanson en l’écoutant à plusieurs vitesses. Finalement, rien de répréhensible n’est identifié et un rapport de plus de 100 pages révèle que la confusion relève du fait qu’un étudiant avait fait une adaptation triviale du texte et l’avait largement diffusé au sein de sa communauté, créant ainsi et avant l’heure, le buzz sur un fake viral.

Un peu ça, un peu le reste, Louie, Louie est devenu un hit cultissime, identifié par certains comme l’acte fondateur du  garage rock. d’Otis Redding aux Kinks en passant par Patti Smith, David Bowie, Frank Zappa, The Clash, Iggy Pop, MC5, Motörhead, etc., pas loin de 1200 versions sont officiellement recensées. Comme le disait Dave Marsh (journaliste, auteur et critique musical: Creem, Rolling Stone, etc,.) ″ Louie, Louie a façonné l’univers entier du rock’n’roll. Niez le et vous serez aussi ridicules que vos ancêtres qui riaient de la théorie sur l’évolution des espèces ″.

En 1957 Richard Berry cède les droits d’auteurs de sept de ses compostions – dont Louie, Louie – pour seulement 750 dollars afin de financer son mariage. En 1985, il entame une action en justice pour récupérer une partie des royalties et finira par obtenir à peu près 2 millions de dollars sur les 10 millions rapportés par sa romance.

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Patrick BETAILLE, mars 2023

Them – Gloria

 

Les Them, ce sont eux, un groupe rock de Belfast. En octobre 1964, le quintet enregistre son deuxième single, avec en Face A une reprise d’un standard de blues à mettre au crédit de Big Joe Williams: Baby Please Don’t Go , une tuerie! Sur la Face B, une composition du chanteur Van Morrison. Au départ peu diffusée en Angleterre, Gloria trouve en mars 1965 un écho très favorable aux Etats-Unis, parmi un public déjà friand de garage rock. Au point que sur la réédition d’avril 1966, Gloria est promue en face A. Particulièrement connue pour son rythme syncopé et son refrain énumérant une à une les lettres du prénom Gloria, celui de la nièce de Van alors âgée de 13 ans. Pour le texte, c’est une autre histoire, sans rapport aucun avec l’adolescente en question, surtout s’agissant de digressions d’origines diverses. Deux minutes et demie sans ambiguïté qui, sur scène, faisaient souvent l’objet d’une jam à rallonge avec force détails on ne peut plus explicites. Quiconque avait un doute quant au sens des paroles comprenait alors ce qu’il se passait quand une groupie allait à la rencontre d’une rock star. ″Elle arrive chez moi, monte les escaliers et frappe à ma porte. Allez viens! La voici dans ma chambre. Comment t’appelles tu? Quel est ton nom? Quel âge as-tu? Tu vas à l’école? Ton père est au travail, ta maman est sortie faire du shopping. Montre toi, enroule tes jambes autour de mon cou, tes bras autour de mes pieds, tes cheveux sur ma peau. Vas y doucement, c’est bon, je suis bien. Oh oui! Ça va trop vite, c’est de plus en plus difficile. Allez, continue, rends moi heureux! C’est trop tard, trop tard, je ne peux pas me retenir… G-L-O-R-I-A (dʒi-ɛl-o-ar-aɪ-eɪ)Rhââ lovely! comme disait Gotlib! Devenu immensément populaire, le titre n’a pas pour autant fait de Van Morrison un homme riche. En réalité, pas du tout au fait des arcanes de l’industrie musicale et ne s’intéressant pas à la gestion de ses propres intérêts, Morrison aurait perdu au moins 250 000 $, une énorme somme compte tenu de l’époque. Depuis plus de 60 ans, le nombre d’artistes ou de groupes ayant repris cet hymne à l’amour, en concert ou en studio, est tout bonnement incalculable. Parmi mes interprétations préférées: celle au texte modifié de Patti Smith sur l’album Horses de 1975, comprenant en introduction un extrait de l’un de ses poèmes: ″Jesus died for somebody’s sins but not mine…″ (Jésus est mort pour les péchés de quelqu’un mais pas les miens…), les versions en public des Doors et de Eddie & The Hot Rods. Enfin et surtout la version de Popa Chubby en 2001, chantée par sa femme Galea, disponible sur l’album Flashed Back et en version live sur l’excellent Popa Chubby Live At FIP paru en 2003. 

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Patrick BETAILLE, mars 2023

 

Steppenwolf – Born to be Wild

 

Vers le milieu des années 60, John Kay chante au sein de The Sparrow, un groupe de blues-rock canadien managé par Stanton J. Freeman. Proposition est faite aux musiciens de se produire aux Etats-Unis. En 1967, Kay, Nick St. Nicholas le bassiste et le batteur Jerry Edmonton quittent la formation et partent pour San Francisco où ils fondent Steppenwolf. L’aventure peut commencer. Très vite, en janvier 1968, sort le premier album éponyme qui contient déjà des titres qui deviendront la meilleure des signatures musicales du moment: Sookie Sookie, The Pusher et surtout Born to be Wild. Ce dernier a été écrit par le guitariste Dennis Edmonton (le frère de Jerry) sous le nom de Mars Bonfire. Expliquant comment lui est venue l’idée, Bonfire raconte: ″ Je venais d’acheter ma première voiture et un jour que je me promenais sur Hollywood Boulevard, j’ai vu une affiche sur laquelle le slogan ″Born to Ride″ était illustré par une moto jaillissant de terre dans un torrent de lave. L’idée de la moto et de la liberté associée à la joie de posséder ma propre bagnole a alors fait son chemin ″. Le texte est aujourd’hui considéré comme étant à l’origine de l’appellation ″Heavy Metal″. En effet, le troisième couplet de la chanson parle de tonnerre métallique: ″Démarrer le moteur, partir sur la route en quête d’aventure, à la découverte des grands espaces… J’aime la fumée, le feu et le grondement dense du métal… Nous sommes des enfants de la terre, nés pour être libres et nous pouvons aller si loin. Jamais je ne voudrais mourir, je suis né pour être libre ″. À l’époque, Denis Hopper est en train de monter son film Easy Rider. Il souhaite que Crosby, Stills & Nash enregistrent la BO mais il y a un désaccord profond car – dixit le réalisateur – ces mecs qui roulent en limousine sont incapables de comprendre l’essence même de mon road movie. C’est là la raison pour laquelle la musique du film devient un assemblage composé par différents artistes. Une seule chanson est écrite spécialement pour la circonstance: Ballad of Easy Rider de Roger McGuinn. Belle opportunité pour Steppenwolf qui se retrouve un peu par hasard aux côtés de Jimi Hendrix, Electric Prunes, Roger McGuinn, The Byrds et Smith avec deux titres: The Pusher et le désormais incontournable Born to be Wild qui parait en juin 1968. C’est le troisième single du groupe mais c’est aussi celui qui obtient le plus grand succès – atteignant la deuxième place du Billboard Hot 100 américain – et se retrouve à la 129 ème place des 500 plus grandes chansons de tous les temps référencées par Rolling Stone Magazine. L’engouement du public pour ce titre prend d’énormes proportions après la sortie et le succès phénoménal en salle de Easy Rider. Devenu un véritable hymne à la gloire de la moto et le symbole de la contre-culture biker, Né Pour Être Libre se retrouve à l’honneur dans beaucoup de séries TV, de publicités, de films et fait l’objet d’un nombre impressionnant de reprises: Wilson Pickett, Blue Oyster Cult, Status Quo, The Cult, U2, Krokus, Ozzy Osbourne, Joe Lynn Turner, Slayer, etc. Même Kim Wilde!

Le groupe de glam rock britannique Slade en a fait également une reprise avec laquelle il clôturait tous ses concerts. Pour preuve l’étonnamment fougueux Slade Alive! paru en 1972.

En 2004, Paris Hilton demande l’autorisation d’utiliser la chanson dans le cadre de son émission de télé-réalité: The Simple Life. Refus catégorique de la part de John Kay: ″ Même un rocker ne s’abaisserait jamais à accepter pareille chose! ″. C’est dit et bien dit. Faut quand même pas déconner hein?!

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Patrick BETAILLE, mars 2023

Norman Greenbaum – Spirit in the Sky

 

Après quelques tentatives musicales peu convaincantes avec son groupe Dr. West’s Medicine Show & Jugband, Norman Greenbaum quitte son Massasuchetts natal et part s’installer à Los Angeles où il fait la rencontre d’ Erik Jacobsen, alors producteur à succès des Lovin’ Spoonful. En voyant à la télé un chanteur de country interpréter un gospel, et, inspiré par un riff très marqué par le Refried Boogie de Canned Heat, l’artiste de confession juive décide de composer une chanson à connotation religieuse: Spirit in the Sky. De la vie après la mort il est question. De Dieu également, mais, en terme d’accroche commerciale, Greenbaum préfère évoquer Jésus plutôt que Jehova. ″Jésus est mon ami. Au plus haut des cieux. À ma mort c’est là que j’irai. Prépare toi, quand tu mourras, il te conduira vers le plus beau des endroits…″. À la grande surprise de Norman et de la maison de disques, le single publié en 1969 connaît un énorme succès international et se retrouve en tête des ventes dans de nombreux pays. Du haut des cieux, les royalties pleuvent mais Norman Greenbaum décide de se retirer. Il s’achète un ranch, se lance dans l’élevage de vaches laitières rapidement mis à mal par un divorce financièrement douloureux. Devenu un temps modeste éleveur de chèvres, le musicien refait une réapparition dans les années 80, en tant que promoteur de concerts cette fois. Quant à Spirit in the Sky, interprétée à l’identique en 1986 par Doctor and the Medics elle caracolera un temps en tête des charts britanniques. Le titre fera aussi partie de la BO de Apollo 13, le film réalisé par Ron Howard en 1995. Que la paix soit avec vous, et avec votre esprit. Amen!

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Patrick BETAILLE, mars 2023

Steam – Na Na, Hey Hey, Kiss him Goodbye

 

Au début des années soixante, les musiciens des Glenwoods – un groupe de doo-wop du Connecticut – gravent un shuffle intitulé Kiss Him Goodbye qui fait un flop. Séparation en 1969 suite au départ pour New York de deux des membres de la formation. Là-bas, Paul Leka en tant que pianiste et producteur, Gary DeCarlo en tant que composteur-musicien-interprète, entrent en studio et enregistrent 4 titres. Mercury Records est aux anges et souhaite concrétiser la démarche en publiant l’ensemble en face A de singles distinct. Se pose alors la question de savoir que mettre en Face B du premier single. Leka et DeCarlo ressuscitent l’ancienne chanson des Glenwoods.

En l’état, Na Na Hey Hey Kiss Him Goodbye est trop court, à peine plus de 1’30; décision est prise d’ajouter un refrain et un long break de percussions pour atteindre la norme des 3’45. Leka raconte: Alors que cherchant des paroles, j’étais au piano en marmonnant ″Na, na, na, na, na, na, na, na″,  Gary est arrivé et a ajouté ″Hey Hey″. Balèze hein? Lorsque la maison de disques entend le résultat enregistré en une seule cession, elle décide de la publication du titre en tant que Face A. Dans un premier temps les musiciens refusent. Un compromis voit le jour et Mercury propose d’éditer la chanson via sa filiale Fontana. Ne voulant voir apparaître aucun nom, le trio accepte toutefois qu’elle sorte sous le nom fictif de Steam (pour se rendre au studio il fallait passer à proximité d’un regard projetant de la vapeur provenant du métro… Intéressant hein?).

Quant aux paroles, elles racontent l’histoire d’un mec qui essaie de convaincre la fille dont il est amoureux de quitter son copain du moment pour venir le rejoindre: … Il ne t’aimera jamais comme je t’aime. Si c’était le cas tu ne pleurais pas. Il n’est jamais à tes côtés pour te réconforter et te remonter le moral. Vas-y, embrasse-le et dis lui au revoir…″. Êh Bêh, c’est chaud là!
Na Na Hey Hey Kiss Him Goodbye sort en novembre 1969, passe deux semaines à la première place du Billboard Hot 100 aux Etats-Unis et devient un hit mondial qui se soldera par le statut de multi-platine grâce à plus de 2 millions d’exemplaires vendus. Steam n’a jamais connu d’autres succès mais, en 1977, la chanson est joué lors d’un match à domicile des White Sox de Chicago pour narguer l’équipe adverse et adoptée dans la foulée pour devenir l’hymne officiel de l’équipe de baseball. C’est fou ça non? Chantée également lors de rassemblements pour provoquer les responsables politiques, la ritournelle sera reprise en 1970 par The Supremes, en 1983 par Bananarama et fera partie de la liste des 164 chansons temporairement interdites de diffusion après les attentats du 11 septembre 2001. Va comprendre toi!

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Patrick BETAILLE, février 2023

The Troggs – Wild Thing

 

De tous les groupes de la British Invasion, aucun ne mérite mieux l’estampille proto-punk que The Troggs – un groupe originaire du Hampshire en Angleterre – qui, sur la scène du Swinging London, avait pour habitude de revendiquer haut et fort ses origines prolétariennes. C’est Reg Presley qui en 1964 fonde les Troglodytes. Un soir de concert, Larry Page – l’ex manager des Kinks – entend l’interprétation saisissante du You Really Got me de ses anciens poulains par le quatuor auquel il fait immédiatement une proposition de management. Le groupe accepte et un contrat avec CBS est signé peu après. Ce faisant les Troglodytes deviennent The Troggs. Un premier single voit le jour dans l’indifférence la plus totale. L’accord avec la maison de disques ne portant que sur un seul 45 tours, le manager fait des pieds et des mains et finit par décrocher un nouvel accord avec Fontana.

Peu convaincu, à tort, par les talents de compositeur de Presley et de ses hommes des cavernes, Page leur propose deux reprises: Did You Ever Have To Make Up Your Mind des Lovin’ Spoonful ou Wild Thing des Wild Ones, une chanson composée en 1965 par un certain Chip Taylor*. Vendue! Direction le studio. Les musiciens profitent des 45 minutes de rab d’une cession en cours et, en 20 minutes, bouclent le titre et celui qui deviendra leur prochain hit: With A Girl Like You, tous deux mixés en direct pendant l’enregistrement. Le single sort en avril 1966, illustration parfaite de ce qu’une interprétation sur 3 accords et pliée dans l’urgence peut faire d’une compo somme toute banale. D’entrée, certains programmateurs radio se font tirer par la manche pour accepter de diffuser un morceau dont les paroles à double sens flirtent allègrement avec la lubricité. ″ Sauvageonne, tu fais chanter mon cœur. Tu rends les choses sensationnelles. Sauvageonne, je crois que je t’aime mais je veux en être sûr. Tu m’émeus, alors viens et serre moi fort. Viens, viens, sauvageonne, secoue-le, secoue- le ″. En mai Wild Thing est N°2 au hit parade britannique et atteint la première place du Hot 100 aux États-Unis en juillet. En juin 1967 Jimi Hendrix met le public du Monterey Pop festival sur le cul avec sa reprise à la fin de laquelle il immole sa Stratocaster par le feu.

* L’auteur-compositeur Chip Taylor est aussi le frère de l’acteur John Voight (Macadam Cowboy en 1969, Délivrance en 1972, Mission impossible en 1996 , U Turn en1997, Tomb Raider en 2001, etc) et l’oncle de… Angelina Jolie. En 2017, l’actrice apparaît dans une publicité pour le parfum Mon Guerlain avec en fond sonore – je vous le donne en mille – Wild Thing: Eau de Parfum Intense. Comme quoi!

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Patrick BETAILLE, février 2023

 

Question Mark & The Mysterians – 96 Tears

 

Ce groupe a été formé en 1964, quelque part dans le Michigan. À sa tête un gus qui avait compris que pour l’on parle de lui il fallait entretenir un certain mystère. Pour preuve: sa première formation se nommait XYZ, la suivante, The Mysterians, composée de musiciens immigrés hispaniques qui avaient quitté leur Texas et leur Mexique natals. Peu s’en faut pour déduire que  le ″? ″ ne serve qu’à cacher un pseudo, celui de Rudy Martinez qui, pour entretenir le questionnement, ne quittait jamais ses lunettes de soleil [NDLR: Comme quoi Gims n’a rien inventé!]. Après deux années de concerts sans succès, ? and The Mysterians sont signés sur un minuscule label local et, sans le vouloir, se retrouvent à l’origine d’un immense tube. 96 Tears parait en août 1966. Tiré à 750 exemplaires il devient très vite le chouchou des radios du coin. Dans la foulée, les droits son rachetés par Neil Bogart – président de Cameo Records (également découvreur de Donna Summer et de Kiss) – pour que le single bénéficie d’une écoute nationale, s’écoule à un million d’exemplaires, devienne N°1 aux Etats-Unis en octobre et entre dans les hits parade européens. Des larmes, d’accord, mais pourquoi 96? Bonne question! Merci de l’avoir posée, à Martinez notamment qui refusait d’y répondre sous prétexte de signification ésotérique qu’il refusait de dévoiler. Il faut dire que le mec était quelque peu barré. Il prétendait venir de la planète Mars, avoir vu les dinosaures et être persuadé qu’il reviendrait dans 10 000 ans pour interpréter à nouveau sa chanson. Des larmes donc, celle du gus qui vient de se faire larguer par sa copine et promet de se venger. ″Trop de larmes. Trop de larmes pour qu’un cœur puisse continuer à battre. Depuis que tu m’as quitté tu es au mieux et tu te moques encore de moi. Mais je n’ai pas dit mon dernier mot, j’y arriverai. Nous serons ensemble pendant un petit moment encore et puis je vais t’anéantir. Alors tu vas verser 96 larmes″.
Quant à la mélodie, simplissime. Sur un orgue Vox Continental, deux accords obsédants qui scandent l’intégralité de la chanson. Quelques temps plus tard, 96 Tears se verra attribuer pour la première fois le qualificatif de ″punk rock″ par Creem Magazine et sera reprise de nombreuse fois: Aretha Franklin, The Residents, Thelma Houston, Garland Jeffreys, Suicide, The Stranglers, Iggy Pop, et, en France, par The Dogs.

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Patrick BETAILLE, février 2023

The Kinks – You Really Got Me

 

1963. The Kinks ne sont encore qu’un groupe d’amateurs mais, à Londres, ils jouissent déjà d’une certaine notoriété grâce au joyeux bordel qui caractérise leurs concerts et emporte l’adhésion du public. Début 64 un premier 45 tours voit le jour: une reprise du Long Tall Sally de Little Richard, suivi peu après de You Still Want Me. Commercialement, deux échecs. La maison de disques Pye Records menace d’annuler le contrat passé avec les frangins Davies. Mais Ray Davies (chant, guitare et claviers) sait qu’il tient quelque chose. Un truc élaboré sur le piano désaccordé de ses parents et qui déclenche l’hystérie générale au cours des prestations scéniques de sa formation. Décision est prise d’entrer en studio pour enregistrer You Really Got Me. Malheureusement personne ne parvient à se satisfaire de la signature sonore du morceau. Passablement énervé, Dave Davies (guitare et chant) pète les plombs et s’en prend à la membrane du haut parleur de son ampli bon marché qu’il lacère. Bingo! Le son obtenu – cette espèce de fuzz improbable – est repiqué sur un ampli Vox. Le single sort en août 1964 et trois jours suffisent pour qu’il atteigne le sommet des charts. L’auteur des paroles simplistes est Dave, tombé sous le charme d’une fille dans le public lors d’un concert dans un club de Piccadilly. ″Tu m’as eu, je ne sais plus où j’en suis, je n’en dors plus la nuit. Ah ouais! Tu m’as bien eu!″. You Really Got Me ne ressemble a rien de connu jusqu’ alors. Le texte n’est qu’une espèce de slogan. C’est la brutalité du riff distordu qui emporte tout sur son passage avec un solo fulgurant et incontrôlé qui prouve que parfois le rock se fout complètement de la rigueur technique. Finalement, le fameux ″ TA TA TA TA TA – TA TA TA TA TA ″ deviendra l’empreinte rituelle de tous les groupes garage de la planète et probablement le premier manifeste hard rock. On parle de la reprise éruptive de Van Halen? Ben non, pas aujourd’hui! De celle (NDLR: La seule qui me tient) de Dick Rivers? Non plus, jamais!

Patrick BETAILLE, février 2023

John Fred – Judy in Disguise

 

Avant de se lancer dans la musique en accompagnant Fats Domino, John Fred Gourrier était un joueur de baseball et de basketball très populaire au sein de la Southeastern Louisiana University. Il crée son groupe – John Fred & His Playboy Band – en 1956 et connaît son premier succès en 1959 avec une chanson intitulée Shirley. En 1967, Fred et un autre membre du groupe composent Judy in Disguise (With Glasses) qui se veut une parodie du Lucy in the Sky with Diamonds des Beatles. Cette année là, le single connaît un franc succès, parvenant même à chasser une autre chanson des Fab Four (Hello, Goodbye) de la première place du classement du Billboard Hot 100. Comique, entrainante, ambiance rhythm’ n’ blues façon Stax, le titre aux paroles psychédéliques dresse le portrait de Judy, une fille quelque peu excentrique (une groupie?).

Judy, un déguisement, voilà ce que tu es avec tes lunettes, ta tarte à la limonade, ta bagnole toute neuve, tes bracelets et ton soutien gorge frétillant. Moineau ramoneur de cheminée, viens me voir ce soir, attrape tout ce que tu peux, sauf les cordes de mon cerf-volant. Que cherches tu? Un cirque ambulant? C’est ce que tu es! Tu m’as broyé et je pense que je vais me contenter de te piquer tes lunettes ″. Je vous avais prévenu, psychédéliques les lyrics! Avec plus d’un million d’exemplaires vendus la chanson est récompensée par un disque d’or mais restera à jamais un one-hit wonder qui lassera vite le public. 

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Patrick BETAILLE, janvier 2023

The Shocking Blue – Venus

Un soir de 1968, Mariska Veres, hongroise et fille de violoniste tzigane, se produit avec son groupe lors d’une fête en l’honneur de Golden Earing, une formation batave couronnée de succès à l’extérieur de ses frontières. Un certain Robbie Van Leeuwen qui assiste à la prestation tombe sous le charme et vire le chanteur du groupe qu’il manage à l’époque et au sein duquel il joue de la guitare: Shocking Blue. Très inspiré par les yeux soulignés de khôl, les longs cheveux noirs et la voix de la belle Mariska (NDLR: Physiquement intelligente selon les standards de l’époque), le musicien détourne le riff d’intro de Pinball Wizard des Who et compose Venus, le premier titre de la nouvelle mouture de sa formation. ″Une déesse au sommet d’une montagne. Elle brûlait telle une flamme d’argent. Summum de la beauté et de l’amour, venus était son nom… Elle était aussi sombre que la nuit. Son arme, ses yeux de cristal qui rendaient tous les hommes dingues. Je suis ta Venus, le feu de tes désirs ″. Là c’est clair, le mec il est en mode Wolfie!

Le single sort en juillet 1969 et Shocking Blue va devenir aux Pays-Bas ce que plus tard Los Bravos seront en Espagne: les créateurs d’un tube inusable (NDLR: Black is Black) qui occupera la première place des ventes en Belgique, en France, en Italie, en Espagne et en Allemagne, avant de décrocher la première place aux États-Unis en 1970. Malgré d’autres succès (Mighty Joe, Never Marry a Railroad Man, Shocking You) certes moins retentissants, le groupe est dissout en 1974. Venus connaitra une nouvelle jeunesse avec la reprise du trio Bananarama sur son troisième album True Confessions paru en 1986. De quoi faire oublier la version de Sacha Distel sortie en France en 1978. Quant à Mariska, elle a été foudroyée par le cancer en 2006, à l’âge de 59 ans.

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Patrick BETAILLE, janvier 2023