Dans les années 80 et afin de promouvoir le Cd, potentielle nouvelle poule aux œufs d’or, l’industrie musicale a mis en œuvre l’inéluctable obsolescence puis la disparition du vinyle. Quand le marché de la réédition d’œuvres musicales sous la forme de galettes de 12 cm gavées jusqu’à la gueule de bonus tracs, d’alternates takes et de fonds de tiroirs n’a plus eu les faveurs du public il a fallu trouver la parade. Vint donc le temps du tout numérique et avec lui avec la dématérialisation de la musique mise à disposition sur Spotify, Deezer et consorts. C’était sans compter sur la lassitude et la frustration d’une partie de l’auditoire désormais en manque de support palpable. Il s’agissait désormais de remédier au manque à gagner et de faire les fonds de poches du consommateur. Surfant sur la vague du Vintage, les majors ont alors trouvé le bon filon: relancer le retour en grâce du 33 tours de papa. À partir de 2015, elles ont convaincu tout un chacun que le charme de l’objet et la chaleur de l’analogique étaient indispensables à tout amateur d’authenticité culturelle et d’émotion auditive. Dans le même temps, le marketing s’est bien gardé d’avouer que ce soit disant graal n’était en fait que très rarement issu de véritables masters analogiques, ces derniers ayant été perdus à jamais, sacrifiés sur l’autel du numérique. Passé sous silence également le fait que, dans le meilleur des cas, pour pouvoir jouir pleinement du plaisir issu de l’écoute d’enregistrements d’antan il fallait se doter d’un matériel audiophile onéreux. Résultat, 90 fois sur 100, un vinyle n’est que la transposition d’un fichier .wav sur un support plus cher, plus fragile et techniquement plus limité. Avec un même master, les labels ont gagné de l’argent en le mettant sur Cd, puis un peu plus en le vendant sur les plateformes et aujourd’hui encore d’avantage en le gravant sur le vinyle promu au rang d’indispensable et/ou incontournable.
Il n’est donc pas rare de trouver des rééditions faussement analogiques d’origine pour lesquelles il faut débourser 25€, sans garantie que la magie sonore annoncée soit au rendez-vous. Les nouveautés? 30 à 35€, parfois même 40 ou 51€ pour un album de Taylor Swift. La belle affaire. Une galette en couleur logée dans un emballage de 30 cm de côté et accompagnée d’un luxueux livret évidemment estampillé ″ collector ″. C’est désormais l’objet qui s’achète; parfois même par certains qui n’ont pas de platine et qui en font un accessoire de décoration. ″ T’as vu mon Sticky Fingers dans la salle de bain? ″. Il est là le nouveau segment du marché!
Pour preuve, un label de rap américain vient de commercialiser un tirage ″ Art Album ″ au format 33 tours. C’est comme pour le Port-Salut, c’est écrit dessus: ″ Vinyl not included ″. Pour 35€, cette pochette de vinyle ne contient en fait qu’un banal Cd. Ne cherchez pas l’erreur, il n’y en a pas!
Patrick BETAILLE, mai 2024
In Vinyle Veritas – Éloquence et Désaveu du Cover Art
