Fillmore Auditorium. Après un concert réunissant The Paul Butterfield Blues Band, Electric Flag et Cream, Norman Dayron – alors producteur chez Chess Records – propose à Mike Bloomfield et Eric Clapton d’organiser une session d’enregistrements avec Chester Burnett, alias Howlin’ Wolf. Clapton, séduit par une telle opportunité, se charge de coordonner l’événement en Angleterre et convainc Ian Stewart, Bill Wyman, et Charlie Watts d’adhérer au projet (Steve Winwood participera aux overdubs). Entre le 2 et le 7 mai 1970, tout ce beau monde se retrouve à l’Olympic Studio de Londres et y enregistre un régal incontestable pour tout amateur de blues : The London Howlin’ Wolf Sessions, publié en août 1971. Aussi brillant que le contenu, le contenant est dessiné par l’artiste Don Wilson, celui là même qui en 1961 illustra le Fathers and Sons de Muddy Waters en s’inspirant de La Création d’Adam de Michel-Ange.
Patrick BETAILLE, janvier 2013
Les histoires et la censure des pochettes de disques sont à retrouver Ici
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a le sourire l’ami Buddy. En poche 4 Grammy Awards, 6 Blues Awards, 1 Billboard Century Awards obtenu en 1993 et le prix du Coup de cœur Blues décerné par l’Académie Charles-Cros en 2018. Un tel succès ne pouvait que laisser présager le meilleur pour ce récent album qui, 4 ans après The Blues is Still Alive and Well, concrétise le retour en studio du dernier blues giant. Ce témoignage arrive à point nommé, 65 ans après que Buddy arrive à Chicago dans un train en provenance de Baton Rouge avec juste quelques fringues et… sa guitare. Avec The Blues don’t Lie, l’âge aidant, le guitariste s’est assagit et joue la carte du calme et de la sérénité. Mais attention: sa guitare est toujours aussi propre, aérienne et musclée. Certains trouveront peut-être l’ensemble trop détendu, trop propre, voir même trop lissé. À ceux là je dis tout de go: ″ne venez pas piétiner ma zone de confort et allez voir du côté de Bigflo et Oli si j’y suis″. Cet album est avant tout, nostalgique, émouvant et sombre mais quand la stratocaster entre en scène, la fougue et l’énergie est au rendez-vous d’un genre dans lequel le guitariste excelle: transmettre avec subtilité et émotion ce qu’il ne peut traduire par les mots. Les ambiances sont variées. Invitée, l’icône du gospel Mavis Staples offre sa voix incomparable à We go back. James Taylor collabore harmonieusement à Follow the Money et Elvis Costello donne le ton sur Symptoms of Love, un boogie lent aux accents ZZTopiens. De la partie également: Bobby Rush sur What’s Wrong with That, Jason Isbell sur un Gunsmoke Blues funky et Wenty Motten qui y va de ses vocalises sur House party. ″Je leur ai promis à tous – BB, Muddy, Sonny Boy! Tant que je serai là, je maintiendrai le blues en vie » disait Buddy Guy. Il tient sa promesse, une fois de plus, et The Blues Don’t Lie le prouve. À 86 ans et pour un trente-quatrième album c’est une putain de belle perf!
C’est clair! le Concours de l’Eurovision je m’en tape comme de ma première tétine. Que les bretons représentant la France évitent de peu la dernière place, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. Par contre, que l’Ukraine remporte haut la main la compétition ça me met dans une rogne égale à celle d’un pitbull après 2 semaines de régime végétarien. Sans déconner! On parle culture ou on parle politique? Faut il que Vladimir envahisse le Bignouland pour que les chapeaux tournent rond ou que Poutine aille se faire casser la gueule par les bonnets rouge pour que le Morbihan soit célébré?
Ça ne vas pas faire bondir les adeptes de la soupe médiatique ni interpeler la beaufitude franchouillarde mais, avec un peu de chance, la nouvelle risque de combler les dénicheurs de talents. Car là, on parle de musique, de blues et de reconnaissance qui va bien. Ne me remerciez pas, je ne suis pas payé pour ça! De plus, sans Gaël – résistant rock planqué au fond d’un canapé à Lanester – je serai moi-même-myself passé à côté de cette putain de bonne nouvelle.
La Bretagne se souviendra sans doute longtemps de cette nuit du lundi 9 au mardi 10 mai 2022, quand le jury de l’International Blues Challenge a annoncé le nom du vainqueur : The Wacky Jugs ! Historique! Pour la première fois, un groupe français remporte le premier prix de la catégorie reine de ce prestigieux concours. Les Pontivyens (NDLR: ceux de Pontivy 56300) sont montés sur la première marche du podium, devant 250 participants venus du monde entier. Source et infos: Pontivy Journal.
Il est donc temps de découvrir Wired, wild and wicked. Sorti fin 2020 voici un album intéressant à plus d’un titre. C’est d’abord un hommage au blues des origines pratiqué par des amateurs qui s’exprimaient avec ce qu’ils avaient sous la main, à savoir des instruments classiques (banjo, guitare, violon, accordéon, harmonica…) pour les plus fortunés, ou bricolés (pichet, planche à laver, bassine, cuillères…) pour les autres. C’est aussi un voyage rythmé par le shuffle de Chicago, le Jive made in New Orleans ou le Zydeco de Louisiane. C’est enfin un ensemble de 10 titres jouissifs qui soufflent un véritable vent de fraicheur, au risque risque de surprendre les amateurs du genre et convertir les plus sceptiques. The Wacky Jugs (NDLR: Les pichets farfelus) sont effectivement Wired, wild and wicked (NDLR: câblés, sauvages et méchants) mais ils sont surtout étonnants, détonants et brillants. Vous savez ce qu’il vous reste à faire! Moi c’est fait et fuck l’Eurovision! Allez, je file, y’a un pitbull qui me mate bizarrement. Kenavo!
Allez, disons le comme ça: Mississippi Heat est avant tout un groupe mais c’est aussi et surtout un collectif de musiciens dont les racines puisent très profond dans les terres du Blues. Formé en 1991 et actuellement dirigé par l’harmoniciste et compositeur Pierre Lacocque, l’ensemble vit par et pour un genre traditionnel qu’il s’attache à promouvoir lors de concerts un peu partout dans le monde et, bien sûr, en studio. Avec à son actif une douzaine d’enregistrements le combo à géométrie variable perpétue la mémoire des Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Jimmy Reed, Little Walter et autre Sonny Boy Williamson. Madeleine, treizième album en date enregistré à Chicago et mixé à Memphis vient de sortir, pour le plus grand bonheur des amateurs de bonnes vibrations. Guitares accrocheuses, cuivres percutants, support rythmique – claviers compris – impeccable, chœurs et chants brillants, aucun doute, c’est bien de blues dont il s’agit, et pas n’importe lequel, celui de Chicago. Et puis il y cet harmonica, viscéral, imparable, celui de Pierre Lacocque dont le talent mondialement apprécié et reconnu saura convaincre les plus sceptiques. Madeleine n’est pas un disque passéiste. Il est actuel, inventif même, et méchamment efficace pour perpétuer la mémoire de la musique qui s’écoute avec le cœur. Indispensable!
On le sait. Warren Haynes a toujours eu le blues, et ce, même si le genre n’a pas forcément occupé une place systématiquement privilégiée au sein des différentes productions et prestations de ce virtuose de la six cordes. Mais là c’est une première! Oui, c’est le premier véritable album entièrement consacré au blues que sort Gov’t Mule! Un disque live en studio, enregistré à l’ancienne avec du bon vieux matos d’époque et sur bandes analogiques. Le résultat possède ce son authentique avec lequel la voix et le jeu magistral de Warren font des merveilles. Des originaux bien sûr, mais aussi des reprises de Howlin’ Wolf, Elmore James ou Tom Waits qui offrent une émotion et une classe à nulles autres pareilles. 13 titres joués par des vieux briscards à qui on ne la fait plus depuis longtemps. Que ce soit en mode blues rock ou dans des ambiances plus roots, Matt Abts (batterie), Jorgen Carlson (basse) et Danny Louis (claviers) sont au diapason sur ces 75 minutes jouissives qu’offre Heavy Load Blues. Allez! Un bon single malt, bien calé au fond du canapé, les pieds sur la table, prêt pour un moment de pur plaisir immédiat.
La musique est un arbre, raconte Salif Keita. Les racines sont la musique africaine traditionnelle, le blues. Le jazz c’est le tronc et les branches. Le rock, la soul, le reggae, le funk et toutes les autres musiques ce sont les fruits.
Music is a tree, says Salif Keita. The roots are traditional African music, blues. Jazz is the trunk and the branches. Rock, soul, reggae, funk and all other music are the fruits.
C’est sûr! La nouvelle va faire moins de bruit qu’un changement de lunettes chez Maitre Gimms mais la famille du blues français – celle des Benoit Blue Boy, Bill Deraime, Paul Personne, Jean-Jacques Milteau ou Fred Chapellier – perd l’un de ses pionniers, l’un de ses piliers. À 72 ans, Patrick Verbeke nous a quitté le 22 août. Après l’avoir tant aimé, chanté et joué, aujourd’hui Patrick, tu nous le files, le blues!
″I stone got crazy when I saw somebody run down them strings with a bottleneck. My eyes lit up like a Christmas tree and I said that I had to learn″ – ″Je suis devenu dingue quand j’ai vu quelqu’un faire glisser un bottleneck sur les cordes. Mes yeux se sont illuminés comme un sapin de Noël. Je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne″. [Muddy waters]
Née McLaurin dans le Mississippi, Theresa a épousé Robert Needham et a déménagé à Chicago dans les années 40. En décembre 1949, elle a ouvert un club dans le sous-sol d’un immeuble au 4801 South Indiana Avenue, dans le sud de Chicago. Baptisé Theresa’s Lounge (parfois aussi appelé T’s Basement) l’endroit modeste avait pour vocation de proposer des concerts de blues au public, majoritairement noir, du quartier. Le talent des bluesmen et la qualité des jams sessions auxquelles participaient volontiers les musiciens, attiraient de plus en plus de monde. Rapidement, le bouche à oreille permit au Thersa’s Lounge d’acquérir une renommée mondiale. Outre Junior Wells et Buddy Guy qui faisaient pour ainsi dire partie des murs, d’autres pointures n’hésitaient pas à y faire une apparition au cours de leurs tournées. Ce fut le cas par exemple de Muddy Waters, Jimmy Rogers, Otis Spann, Little Walter, Otis Rush, ou encore Howlin’ Wolf. Dans les années 70, Earl Hooker et Junior Wells y ont même enregistré des sessions qui seront publiées dans les années 2000. En 1983, lorsque le propriétaire a refusé de renouveler le bail de Theresa Needham, le club a déménagé puis, a définitivement fermé ses portes trois ans après. La marraine du Chicago Blues est décédée en 1992, à l’âge de 80 ans. Elle a été intronisée à titre posthume au Blues Hall of Fame en 2001. Source et infos (en anglais): Theresa’s Lounge.
Photos: Marc Pokempner. De gauche à droite: Jam entre Sammy Lawhorn et John Primer. Theresa Needham, la taulière en fin de soirée. Junior Wells derrière le bar (il est armé!).
4801 South Indiana Avenue était l’adresse d’un bar de Chicago – le Theresa’s Lounge – lieu incontournable pour écouter du blues et qui en son temps a accueilli sur sa petite scène Muddy Waters, Little Walter, Otis Rush, Otis Spann, Jimmy Rogers et Howlin ‘Wolf. Mais 4801 South Indiana Avenue c’est aussi le titre du quatorzième album de Joanna Connor. Et quel album! Il y a longtemps que je n’avais pas pris une telle claque! Celle qui depuis longtemps a mis à genoux le milieu du Chicago blues grâce à son jeu de slide ravageur qu’elle a eu l’occasion d’exporter dans le monde entier nous livre là un échantillon de son absolu talent. Cette musicienne énergique au style féroce et tranchant, à la voix énorme et pleine d’émotion prouve, si besoin en était, qu’elle fait partie du gotha des guitaristes et qu’elle est capable de mettre le feu à son ampli et de remuer les tripes des amateurs de blues et de blues rock les plus exigeants. Joe Bonamassa ne s’y est pas trompé. Lui qui à ses débuts avait fait la première partie de certains concerts de Joanna à choisi de l’inviter et de la produire sur son tout nouveau label indépendant: Keeping The Blues Alive. Parmi les 10 titres tout droit sortis d’un studio de Nashville, certains méritent incontestablement que l’on s’y attarde. Destination, qui ouvre les hostilités est une véritable bombe à retardement sur le point de vous péter à la gueule. Bad News, de Luther Allison, est un blues lent et incendiaire porté par une voix d’un autre monde où angoisse et douleur règnent en maitres. I Feel So Good, un boogie déchainé à filer des fourmis dans les jambes d’un cul-de-jatte. Cut You Loose, surprenant par ses changements de rythme et hypnotique grâce à la puissance d’une voix au bord de la rupture. Plus classique, Part Time Love bénéficie de la présence de Joe Bonamassa et d’une ambiance soul illuminée par des cuivres omniprésents. C’est sûr, on se souviendra longtemps de ce 4801 South Indiana Avenue. Si vous ne devez acheter qu’un seul disque au cours de cette année pourrie, c’est celui-ci!