Laura Cox – Head Above Water

 

Laura Cox était en train de se noyer? C’est ce que laisserait entendre le titre de cet album: Head Above Water. Bon d’accord, en toile de fond des deux précédents opus (Hard Blues Shot en 2017 et Burning Bright en 2019) c’est du bon gros blues rock efficace et sincère qui domine. La musicienne française aurait pu continuer à pratiquer l’apnée dans un genre qui lui a apporté reconnaissance et succès, mais non! Pour ce troisième essai, Laura part explorer de bouveaux horizons et elle nous offre quelque chose d’un peu plus intime avec un Old Soul et un Seaside mid tempo. Before we get burned est en mode électro acoustique et c’est la balade country à la slide de Glassy Day, ponctuée de picking au banjo, vient clôturer l’album de 11 titres. C’est bien là que l’on est forcé d’apprécier l’auteure-compositrice et ses talents de guitariste. Pour le reste des compos c’est bien sûr l’énergie brute mais contrôlée qui domine quand la cavalerie déboule. Des riffs velus, des solos simple, efficaces et une rythmique appuyée. Emballé c’est pesé, mon pt’it mec t’es refait! Head Above Water n’est peut être pas l’album que l’on attendait mais il reste celui que l’on peut apprécier tant il fait preuve d’homogénéité, de sincérité et d’élégance portée par la voix souvent éloquente de la Coxy Lady.

Patrick BETAILLE, janvier 2023

 

Joanne Shaw Taylor – Live!

 

Inutile de vous dire tout le bien que je pense de cette artiste dont la production discographique a été évoquée à plusieurs reprises ici même. Après deux années difficiles à cause de la pandémie Joanne Shaw Taylor renoue avec les tournées pour exprimer sur scène ce qu’est le blues. Enregistré à Franklin dans le Tennessee le 20 janvier 2022, Blues From The Heart Live témoigne de la performance de la guitariste britannique qui, pour l’occasion, nous livre l’essentiel de son dernier album studio: l’excellent Blues Album paru en 2021. le concert commence à fond  les ballons avec le Stop Messing ‘Round de Peter Green. Interprété avec une maestria à la six cordes qui offre de quoi convaincre un sourd qui ne veut pas entendre. S’en suit un hommage à Aretha Franklin avec une reprise de You’ve Gotta Make A Fool Of Somebody pleine d’émotion. La voix de Joanne, trop souvent sous-estimée, y est délicieusement efficace. Un peu plus loin c’est au tour d’Albert King de passer à la moulinette. Son Can’t You See What You’re Doing To Me devient l’occasion d’inviter Kenny Wayne Shepherd et de se livrer avec lui un duel guitaristique mémorable: 6’30 de pur bonheur, l’un des grands moments du concert! Les trois derniers morceaux bénéficient de la présence de Joe Bonamassa, producteur du précédent album studio, avec à la clef une belle version de Summertime. Blues From The Heart Live est incontestablement un bon investissement en tant que témoignage sur ce que le blues et le rock peuvent apporter quand ils sont si bien interprétés, notamment en live. 16 titres, 75 minutes de son, que demander de plus? Des images? J’ai! Le CD est accompagné d’un Dvd (ou d’un Blue Ray). Alors, heureux?

Patrick BETAILLE, juillet 2022

 

Joe Bonamassa – Time Clocks

Voilà deux décennies que Joe Bonamassa occupe les sommets du blues moderne de la plus belle des manières. Inutile donc de présenter ce boulimique de la six cordes, toujours aussi habité et prolixe. Revoici donc le natif de New Hartford avec un nouvel album virevoltant entre riffs rock, chorus bluesy et compos aux petits oignons. Avec Time Clocks Joe prouve qu’il n’est pas encore temps de s’endormir sur ses lauriers ou de ne devenir que l’ombre – certes talentueuse – de lui même. Plus inspiré que jamais il nous offre 10 titres grand cru dont 6 explosent le compteur des 6 minutes. Étrangement c’est un bref instrumental atmosphérique et très floydien qui annonce la couleur. Pilgrimmage donne le ton d’un esthétisme majestueux bien présent tout au long des 55 minutes au cours desquelles l’écoute navigue entre heavy blues efficace (The Heart That Never Waits), classic rock classieux (Notches) et pop épurée (Time Clocks et Mind’s Eyes). C’est bien sûr la guitare qui a le rôle principal et Bonamassa n’a pas son pareil quand il s’agit de jeter un pont entre influences revendiquées (Eric Clapton et Peter Green notamment) et compostions stylées qui culminent avec un Known Unknowns aux accents rythm & blues qui s’achève sur un solo ciselé absolument éblouissant.

Patrick BETAILLE, novembre 2021

Joanne Shaw Taylor – The Blues Album

On ne présente plus Joanne Shaw Taylor, l’une des plus fines gâchettes du blues rock accordé au féminin. La talentueuse guitariste anglaise nous revient avec un neuvième opus enregistré dans le studio de Joe Bonamassa qui, avec Josh Smith, assure la production. 11 titres pour un hommage aux sommités du blues et de la soul que sont Albert King, Little Richard, Magic Sam, Aretha Franklin, Otis Rush, Peter Green ou Little Milton. Taylor ne se contente pas d’une resucée de quelques standards judicieusement sélectionnés; elle y apporte une touche vraiment personnelle aidée en cela par Bonamassa qui s’est attaché à ne pas laisser la guitare dominer le chant. Joanna est une chanteuse à la fois audacieuse et puissante qui sait, quand il le faut, faire preuve de l’émotion sans laquelle le blues électrique ne peut tout simplement pas exister. Que l’on se rassure, elle reste avant tout et surtout une guitariste volcanique au talent considérable. Comme son titre le laisse supposer, The Blues Album est bien un album de blues (si, si!) mais pas que. Grâce à une production soignée et à l’apport de claviers et de cuivres admirablement bien dosés il parvient à célébrer une union qui devrait ravir les amateurs d’un mélange parfait qui puise directement dans le british blues boom de la fin des sixties, comme en témoigne ce Stop Messin’ Round de Fleetwood Mac époque Peter Green. Vous savez ce qu’il vous reste à faire!

Patrick BETAILLE, octobre 2021

ZZ Top – Décès de Dusty Hill

En 1971 j’allais allègrement vers mes 18 ans quand je tombais sur un truc qui allait bouleverser une journée banalement ennuyeuse. Tout commence par une mélopée à l’ancienne, toute en douceur, une voix chaude quasiment a capela, accompagnée de quelques accords d’une guitare qui suinte le blues des origines. Moins de deux minutes plus tard, un larsen viscéral et le break annonciateur d’un rock enfumé et funky qui sent bon l’huile et l’électricité envahissent la pièce. Littéralement abasourdi par tant de simplicité apparente et d’efficacité naturelle, j’assistais à l’élaboration d’une potion euphorisante qui allait définitivement consolider ma culture musicale. Aujourd’hui encore, ce Brown Sugar – déjà et de loin le titre majeur de ce premier album – reste pour moi l’un des meilleurs morceaux de ZZ Top. Dusty Hill vient de quitter définitivement le monde du rock texan. Il avait 72 ans. Comment oublier la constance et la simplicité métronomique des doigts aussi épais que des knackies de ce bassiste indispensable au jeu d’un Billy Gibbons rarement en panne d’inspiration. Impossible! ″Ta présence inébranlable, ta bonne humeur et ton engagement permanent à fournir cette base monumentale au Top nous manqueront, à nous et aux légions de fans de ZZ Top dans le monde entier[Billy Gibbons & Frank Beard]. Tellement vrai!

Patrick BETAILLE, juillet 2021

 

Stevie Ray Vaughan – Texas Flood

Début des années 80. Pour mémoire, c’était alors l’époque de la pop synthétique, de la new-wave dépressive et du hard rock FM avec moumoutes peroxydées et futals moule-burnes en simili skaï. C’est alors – au moment où la musique en avait le plus besoin – qu’un jeune guitariste déboule du Texas pour recentrer le débat. ″La première fois que je l’ai entendu à la radio, je ne savais pas qui il était et je me suis dit: ce gars-là va faire trembler le monde″ (Eric Clapton). Musicien professionnel dès l’âge de 17 ans, très bon chanteur, Stevie Ray Vaughan déclenche en 1983 un véritable feu d’artifice d’envolées stratocastphériques qui met tout le monde d’accord. Avec Texas Flood, un premier album jamais surpassé, le guitariste alterne compositions remarquables et reprises définitives de ses maîtres Buddy Guy et Howlin’ Wolf. Accompagné sous le nom de  Double Trouble par le batteur Chris Layton et l’ancien bassiste de Johnny Winter, Tommy Shannon, Vaughan mise avant tout sur le feeling d’un jeu riche et élégant. Il excelle dans les rythmiques claquantes mais sait aussi faire parler la poudre avec des chorus ravageurs et des solos d’une rare clarté qu’il ponctue à l’occasion par les effets d’une pédale wah-wah maitrisée à merveille. Une tournée européenne confirme la valeur du trio et en 1984 le deuxième album Couldn’t Stand the Weather se vend à de plus d’un million d’exemplaires dès sa sortie. Revers de la médaille, l’état de Vaughan se dégrade à cause des quantités phénoménales de drogues qu’il consomme régulièrement. Après une cure de désintox,  le musicien revient clean en 89 avec In Step, son quatrième opus couronné par  le Grammy Award du meilleur enregistrement de blues contemporain. Début 90 il enregistre Family Style avec son frère Jimmie (Fabulous Thunderbirds) et part en tournée avec lui, Clapton, Buddy Guy et Robert Cray. Après un concert dans le Wisconsin, Stevie monte dans un hélicoptère qui s’écrase à quelques kilomètres plus loin. Il meurt sur le coup le 27 août 1990. ″Je ne pleure jamais. Mais quand j’ai appris la nouvelle hier, je me suis assis sur mon lit et j’ai pleuré comme un bébé″ (John Lee Hooker).

Écouter: Parmi les quatre albums studio publiés de son vivant. Texas Flood (1983), le premier album fondamental et jouissif. Couldn’t Stand the Weather (1984) et ses incroyables versions de Tin Pan Alley et de Voodoo Chile. In step (1989), le dernier témoignage inventif et varié d’un guitariste au sommet de son art.

Voir: Live at the El Mocambo (1991). Extraits de deux concerts à Toronto en 1983. Dans une ambiance intime et moite, le power trio des débuts délivre un blues rock d’une puissance brute rarement égalée avec, en point d’orgue, une version viscérale de Voodoo Chile ( Slight Return). Splendide!

Patrick BETAILLE, janvier 2020.

One Rusty Band – Voodoo Queen

One Rusty Band - Boogie WoogieC’est du côté de Genève que l’on peut recourir à un décrassage en règle des étagères à mégots.  One Rusty Band c’est un duo. Le plus gros du boulot est assuré par Rusty Greg au chant, guitares, foot drums et harmonica. Léa, créditée au washboard et rhythm’n’foot, consolide la partie rythmique aux claquettes et assure quelques backing vocals. Musicalement c’est du brut de décoffrage avec une auto-production artisanale admirable. Feeling et high energy à tous les étages, dans la plus pure tradition d’un revival à la fois viscéral, roots et trash. C’est pêchu, urgent et sensuel à la fois. Incroyable comment une formation aussi réduite puisse faire autant de barouf. Ça swingue, ça slide, ça remue les tripes et quand l’harmonica s’en mêle ça sent bon le Delta du Mississippi. Explosif et tranchant, ce Voodoo Queen et son blues-rock-boogie instinctif et jouissif est un véritable remède à la mélancolie. Pour les infos, les extraits et les commandes, c’est ici: One Rusty Band!

Patrick BETAILLE, avril 2020

Popa Chubby – It’s a Mighty Hard Road

Popa Chubby Nouvel albumLa couleur est annoncée et autant le dire tout de suite: aucune baisse de régime chez Popa Chubby. Le nouvel album, It’s a Mighty Hard Road, comporte pas moins de 15 titres pour un total d’une heure de blues, de rock et de soul avec, ça et là, des teintes jazzy et des influences latines. Toujours aussi inspiré, Ted Horowitz dévoile une fois de plus l’étendue de ses talents de chanteur, de compositeur, de mélodiste et surtout, de guitariste. ″La saveur est dans le gras″, c’est Popa qui le dit en ouvrant cette production. Pas de régime minceur pour une tambouille riche, variée et consistante qui invite à demander du rab. Sachant le géant du Bronx atteint d’un diabète invalidant (il marche avec une canne et assure ses prestations assis – NDLR),  on aurait pu craindre le pire. Nous voilà rassurés, 30 ans de carrière célébrés avec un nouvel album qui prouve que les meilleurs arômes se développent après maturation. C’est un sacré voyage!

Patrick BETAILLE, février 2020

Rival Sons – Feral Roots

Rival Sons nouvel albumDepuis le premier Before the Fire sorti en 2009, Rival Sons s’est peu à peu installé dans une notoriété hautement méritée que vient confirmer avec justesse la parution d’un nouvel album. Même si avec Feral Roots le revival du rock des 70’s semble toujours d’actualité, faire référence à Led Zeppelin ou Black Sabbath doit désormais rester l’apanage de Greta Van Fleet ou Blues Pills. Aujourd’hui Rival Sons évolue dans une autre dimension artistique et s’éloigne un tantinet d’un horizon Classic Rock pour s’ouvrir d’avantage à d’autres influences. Bien sûr le Heavy Rock vintage reste d’actualité avec  ″Do Your Worst″, ″Back In The Woods″ et ″Sugar On The Bone″ gavés de feeling, de riffs et de soli affûtés à la sauce Scott Holiday; on ne change pas une équipe qui gagne! Changement de cap avec ″Look Away″ et son intro folk  suivie d’un tempo lourd et plombé sur le quel s’appuie la voix chaudement éraillée d’un Jay Buchanan en pleine forme. Total dépaysement avec ″Feral Roots″ qui oscille entre folk et rock avec une classe rare. ″Too Bad″, ″Imperial Joy″et ″End Of Forever″ explorent des territoires à la fois moites et ravagés par de sauvages guitares. Surprenant, il y a de la soul teintée de gospel dans ″Stood By Me″ et ″Shooting Stars″ dans lesquels les chœurs féminins font des merveilles. ″All Directions″ démarre sous forme de ballade Pop Rock et va crescendo pour finir en explosion de décibels au cours de laquelle voix et guitares partouzent allègrement. Avec Feral Roots, l’album, la force de Rival Sons réside dans un subtil mélange des genres sur fond de Blues Rock que le groupe maîtrise à la perfection. 11 titres, 45 minutes d’intensité bienfaitrice et émotionnellement aussi puissant qu’un Led Zeppelin II ou III (merde je l’ai dit!). Ce sixième opus enregistré au Muscle Shoals Sound en Alabama et admirablement produit, marque un tournant dans une carrière pourtant déjà pavée de bonnes intentions pour ces californiens qui pour l’occasion signent chez Atlantic et confortent leur statut de probable meilleure formation de Heavy Rock de la décennie. j’ai dit!

Patrick BETAILLE, septembre 2019

 

 

Jacques Gasser – La Musique dans la Pau

JackDaniel Production: La musique dans la peauC’est Claude Deguidt, bassiste de son état, qui en ouverture de cette rétrospective évoque les groupes de Blues et de Rock qui ont animé la scène paloise au cours des années 60 à 90. Du fond de son canapé le musicien passe en revue son parcours au sein de formations telles que The Snakes, Les Chouchous, Les chenapans, Les Drifters et Caterpillar. Avec Jean Delteil, Claude évoque également The Shake’s avec Michel Chevalier qui partira plus tard rejoindre Les Variations, et… Daniel Balavoine qui partira… ailleurs. Jean-Claude Bourseau, lui revient sur Asshole Blues Band (Faut il traduire?)! qui en son temps a assuré les première parties de Vince Taylor! et Teenage head qui a joué en ouverture de Little Bob Story, Bijou, Backstage (avec Paul Personne) et Dr Feelgood. Arrive Srege Zéni (n’ayons pas peur des mots: le Rory Gallagher de l’étape!) qui retrace l’émergence de sa formation Empty Bed. Puis c’est le Rock Sudiste qui est à l’honneur avec Didier Céré et le tonitruant Abilène, le groupe qui à ″mauvaise haleine″. Un peu plus loin c’est la maman de pierre Récarborde qui raconte avec émotion les nobles errances musicales de son fils Pierre qui, après la période punk des Scumms et un séjour de 5 ans chez son frère dans l’Illinois revient pour créer, avec Franck Chandavoine, Bob Cat, un excellent duo imprégné bien sûr de Chicago Blues. Voilà pour la partie visible de l’iceberg mais c’est sans compter sur tous ces noms qui tout au long du reportage établissent un lien étroit entre les tenants et les aboutissants de la passion musicale. Des musiciens d’abord, y compris ceux qui à un moment ont partagé la même scène: Valérie Bru, Joël Lapeyre, Thierry Lasserre, Eric Bordis, Thierry Olmos, Jean Luc Poueyto, Christophe Aubin, Jean Delteil, Philippe Dumas, Christophe Gautier, Joël Tamet, Jean Pierre Médou et Jean-Michel Calléja. Des groupes évidemment: Cheese, Hot Slugs, Southern Comfort et Johnny Staccato. Des intervenants aussi: Jacques Morgantini, fondateur du Hot Club de Pau, et promoteur local du Chicago Blues Festival, Eric Delamare (producteur indépendant), Didier Marquestaut (sonorisateur), Jacques Lemaire (preneur de son) et Jean Arbus (studio d’enregistrement à Pontacq). Des lieux enfin, ceux qui parleront aux amateurs nostalgiques: Chez Régis à Gan, Le Knack à Baudreix et le Show Case à Pau. La liste est loin d’être exhaustive. Le mot de la fin revient à Nico Wayne Toussaint, cet incontournable bluesman  harmonisciste chanteur qui déclare en substance: ″… Il appartient aux vivants de perpétuer la mémoire de ce qui n’existe plus.″. Voilà qui est fait et bien fait! merci à Jacques Gasser & Daniel Jeannot pour la réalisation, JackDaniel pour la production et L’écran du Son pour la promotion.

Patrick BETAILLE, septembre 2019