Bob Seidemann – Janis Joplin Nue!

Janis Joplin venait du Texas. Le genre d’état qui vous pond en rafale des rednecks bas-du-front, des serials killers, des racistes invétérés et accessoirement quelques bluesmen notoires. Même là-bas, la petite Janis paraissait bizarre. Avec un fort penchant pour le dessin et surtout le blues, l’adolescente faisait vraiment tâche dans son environnement de petits blancs industrieux. Avec ses fringues de mec – jeans et chemises à carreaux – et un goût prononcé pour la bibine et la dope, elle avait toute les chances de finir au fond d’un roadhouse, alcoolique, défoncée et maquée par un dealer de Houston. La vie en décida autrement. Chet Helms, texan lui aussi, la repère dans un rade local où elle gouaillait du Bessie Smith, son idole. Alors manager d’un Big Brother and the Holding Company en perte de vitesse, d’inspiration et de motivation, Helms décide d’exfiltrer la chanteuse vers San Francisco. Tout de suite adoptée par le groupe de freaks, la cowgirl renoue aussi avec l’alcool et la drogue désormais consommée en intraveineuses. Changement de look également. En 1967, le photographe Bob Seidemann, qui avait déjà travaillé pour Big Brother et le Grateful Dead de Gerry Garcia, réalise quelques clichés de la Mama Cosmique. Sur l’un d’eux, Janis pose, visage grave et regard fixe. Vêtue d’un chemisier vaporeux elle arbore bagues et colliers chers aux hippies de Haight-Ashbury. Sur l’autre, même cadrage, attitude identique mais le chemisier disparait. Les colliers masquent à peine le galbe des seins. Grâce à cette nudité à la fois grave et candide, Bob Seidemann passera à la postérité et, plus tard, réalisera entre autres la pochette du seul album issu de la collaboration Clapton/Winwood: Blind Faith. La suite fait aussi partie de l’histoire du rock. En pleine gloire, Pearl était en route pour le motel sur le comptoir duquel, un soir d’octobre 1970, elle signa son bulletin d’adhésion au Club 27.

Patrick BETAILLE, octobre 2020

Welcome to the Chelsea Hotel

Construit en 1883, l’immeuble de douze étages situé dans le quartier de Chelsea à Manhattan devient un hôtel en 1905. Imposant édifice de briques rouge le Chelsea Hotel devient très rapidement le centre névralgique de la vie artistique new-yorkaise. En mauvais état, l’établissement n’a pas acquis sa notoriété grâce à ses chambres poussiéreuses, son mobilier dépareillé, ni même son service. Lieu de vie bohème, ce sont les artistes qui, lors de leurs passages dans la Big Apple, écrivent son histoire et bâtissent sa réputation en séjournant dans l’une ou l’autre des 400 chambres du 222 West de la 23ème rue. Certains l’ont même évoqué en chanson: Chelsea Morning de Joni Mitchell, Chelsea Girl pour Lou Reed et Third Week in the Chelsea par Jefferson Airplane. Milos Forman, Bob Dylan, Mark Twain, Arthur Miller, Andy Warhol, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou encore Patti Smith, Tom Waits, Jimi Hendrix, Joan Baez et d’autres y ont effectué des séjours plus ou moins longs. En 1978, Nancy Spungen, la compagne de Sid Vicious, y sera même assassinée à coups de couteau dans la baignoire de la chambre 100.

Printemps 1968, après une nuit d’errances solitaires, Leonard Cohen et Janis Joplin regagnent leurs chambres respectives aux premières lueurs de l’aube. Lui occupe la 424, Pearl la 411. Ils se retrouvent par hasard dans le hall pour prendre l’ascenseur et entament la conversation. Vous cherchez quelqu’un? Oui, je cherche Kris Kristofferson répond Janis. Le chanteur tente alors une blague: Jeune fille, vous avez de la chance, je suis Kris Kristofferson! Quand l’ascenseur arrive au quatrième les dés sont jetés, ils passent la nuit ensemble. Trois ans plus tard, peu après le décès de la chanteuse, Cohen est assis au bar d’un restaurant de Miami. Nostalgique, il repense à Janis et commence à écrire quelques mots pour lui rendre hommage: I remember you well in the Chelsea Hotel. You were talking so brave and so sweet. Giving me head on the unmade bed. While the limousines wait in the street… (Je me souviens très bien de toi à l’hotel Chelsea. Tu étais si volubile et si gentille. Tu m’as fait une gâterie sur un lit défait alors que les limousines attendaient en bas…). Remaniée à plusieurs reprise, la chanson Chelsea Hotel #2 parait finalement en 1974 sur l’album New Skin for the Old Ceremony mais ce n’est qu’en 1976, lors d’un concert à Montreux, que le chanteur canadien avoue que les paroles font référence à cette nuit partagée avec Janis Joplin. Aujourd’hui complètement rénové, le Chelsea Hotel entretient sa légende. Pour la postérité, des plaques à l’entrée affichent les noms des artistes ayant séjourné dans ses murs.

Patrick BETAILLE, octobre 2020

Janis Joplin – Cheap Thrills

Big Brother & the holding company: Cheap ThrillsÀ l’époque, Janis Joplin est une folkeuse underground passablement déjantée et déjà bien atteinte par le Southern Comfort et les drogues.  Big Brother and the Holding Company lui, est un honnête petit groupe de blues rock de la scène californienne. L’idée de réaliser une fusion de ces  artistes revient à Chet Helms, alors programmateur des concerts à l’Avalon Ballroom de San Francisco. Une première prestation de ce mélange détonnant a lieu au Festival de Monterey en juin 1967 et en laissera plus d’un sur le cul, dont un certain Albert Grossman, l’imprésario de Bob Dylan qui décide de les signer. En août 1968, arrive dans les bacs l’un des disques les plus emblématiques de l’histoire du Rock. Le triomphe est aussi inattendu que total. Personne ne sait alors ce qui se cache derrière cette oeuvre magistrale. L’idée de départ du manager consiste en un enregistrement live. En mars 1968, du matériel est installé derrière une salle de Détroit où le groupe doit se produire. Mais le stress et une consommation excessive d’alcool et de drogues par les musiciens ruine le concert. À l’écoute des bandes inexploitables, Grossman est fou furieux et menace de rompre le contrat. Aussi, entre deux prestations le groupe d’entrer en Studio pour réparer les dégats. Sous pression, Big Brother a du mal à se faire à la discipline et aux contraintes techniques. Malgré tout plus de 200 bobines sont enregistrées et mixées par Janis et son guitariste Sam Andrew, assistés par l’ingénieur du son du moment. Au passage, tous les bruits d’ambiance ont été rajoutés. Le soit disant ″Live material recorded at Bill Graham’s Fillmore Auditorium″ ne relève donc que de judicieux repiquages de bruits de foules et autres ajoutés à la prestation studio. Premier point. A sa sortie, le disque est annoncé comme étant le premier de la formation et là aussi il s’agit d’une information erronée. En effet, un premier album a déjà été réalisé sur un petit label local mais son succès n’est pas allé au delà de la baie de Frisco et personne ne s’en souvient. Et de deux! La pochette maintenant. Janis et son groupe sont fans des comics underground et en particulier de ceux de Robert Crumb qui est sollicité pour concevoir la pochette. Le dessinateur met en oeuvre un projet jugé trop classique par le patron de CBS qui souhaite plutôt une photo du groupe dans le plus pur style hippie californien. La maison de disques engage un photographe de mode et investit dans un décor composé de tentures indiennes, d’éclairage art déco et d’un lit en cuivre. La little girl blue et les musiciens picolent énormément, consomment diverses drogues, font la fête et l’ambiance kitsch du studio dégénère rapidement en un bordel sans nom où tout ce beau monde délire à poil. Il fallait s’y attendre, aucune photo n’est exploitable. Le temps presse et au final Janis parvient à imposer le dessin de Robert Crumb, prévu au départ pour le verso, en tant que recto de l’album. Il s’agit d’une bande dessinée criarde sur laquelle figurent des visuels annonçant titre et crédits sous forme de bulles. La jaquette en question affiche également un faux sticker ″Approved by Hell’s Angels – Frisco″. En réalité, ennemis jurés, Hell’s Angels et Hippies ne se retrouvent qu’autour des points de vue que sont la marginalité, la route, le sexe et le LSD.  En prétendant à un soit disant ″approval″, Janis Joplin se souvient que les bikers musculeux ont fait partie de ses premiers fans et  souhaite ni plus ni moins que leur rendre hommage. Dernier point et pas des moindres: pour son travail Crumb a touché quelques 600 dollars et pourtant il se raconte que, pour tout dédommagement, l’artiste n’eut que le droit de toucher les seins de Janis. Faux aussi! En dépit de ces contrevérités et approximations, celui qui à l’origine devait s’intituler Dope, Sex and Cheap Thrills (NDLR: Drogues, Sexe et frissons bon marché) se retrouve classé premier au Billboard pendant huit semaines et y restera durant presque deux ans. Aujourd’hui encore Cheap Thrills reste l’un des témoignages les plus fulgurants du blues psychédélique californien, notamment grâce à une interprétation viscérale et inoubliable du titre composé en son temps par George Gershwin pour l’opéra Porgy and Bess: Summertime!

Patrick BETAILLE, mars 2019

Le Cover Art Emblématique en Livre: In Vinyle Veritas!

Morrison Hotel Gallery – Janis Joplin & Grace Slick

Janis & Grace the queen Bees of RockLe lieu doit son nom à l’album des Doors sorti en 1970. Il est devenu une référence mondiale en terme de témoignages photographiques liés à la culture musicale des années 40 à nos jours. Que ce soit à New York, Los Angeles ou Hawaï la Morrison Hotel Gallery propose expos et tirages des plus beaux clichés des grandes stars shootées par pas moins de 125 photographes. Entrée > Fine Art Music Photography.

c’est Jim Marshall qui en 1967 a réalisé cette photo de Janis Joplin et Grace Slick (Jefferson Airplane) à San Francisco. ″Bien que n’ayant jamais été photographiées ensemble, Janis et Grace étaient de grandes amies. Tous ces ragots a propos de leur rivalité pour l’obtention du titre de Reine du Rock’n’Roll ne sont que des conneries. Elles se sont toujours très bien entendues″[Jim Marshall].

Patrick BETAILLE, septembre 2018

Porsche – La 356C de Janis Joplin.

1970. Pearl est au sommet de la gloire. Dans ″Mercedes Benz″ elle s’adresse à Dieu et lui demande, entre entres, une bagnole à la hauteur de son succès…. Une Mercedes! Elle clame: ″My friends all drive Porsches, I must make amends…″. Une façon de dire: Porsche c’est d’un commun! Je dois me distinguer des autres. Et pourtant…

Dave Roberts Porsche Janis Joplin

… En 1968 Janis Joplin achète d’occasion et pour 3500$ une Porsche 356C de 1964. Le blanc nacré d’origine ne lui convenant pas, Janis deamnde à l’un de ses roadies d’effectuer un lifting psychédélique sur le cabriolet. Pour 500$ Dave Roberts commence par appliquer un fond rouge vif sur lequel pendant un mois il réalise une fresque intitulée ″The history of the Universe″. Paysage criard, papillons, drapeau américain, soleil rigolard, méduses, globes oculaires et autres animent ce tableau mobile sur lequel figurent en bonne place la star et ses acolytes du Big Brother & the Holding Compagny. Énorme popularité dans la région de San Francisco pour ce pur symbole de la Pop Culture et du Psychélisme ambiant. Malheureusement la voiture est volée en 1969 par un individu qui, pour des raisons évidentes, n’hésite pas à la peindre en gris. Retrouvée peu de temps après, la décapotable est retapée et la peinture retrouve son éclat. Après la mort de Janis en 1970, le véhicule a été utilisé pendant un temps par son manager Albert Grossman puis restitué en mauvais état aux héritiers pour être à nouveau restauré. En 1994, l’atelier de peinture Denver Theater Center effectue un travail remarquable en recréant la scène à l’identique à partir de photographies. 1995, lors de l’intronisation de Janis Joplin au Rock & Roll Hall of Fame de Cleveland, la Porsche est exposée au public jusqu’en 2015, date à laquelle une vente aux enchères fera le bonheur d’un acquéreur pour la modique somme de 1.8 millions de dollars. En remerciement à Amélie pour l’idée:  Little girl Blue!

Patrick BETAILLE, septembre 2017

Janis Joplin – Little girl blue

Amy Berg: Janis, Little Girl BlueDans son dernier film,  ″Janis″, Amy Berg retrace la chute inexorable de Janis Joplin, Rock-Star des 60’s partie rejoindre il y a 45 ans le tristement célèbre Club 27. Le documentaire décortique la saga d’une femme entière, incapable de surmonter ses démons, et toujours en quête de l’amour des autres. Laura et Michael, frère et sœur de Janis, parlent d’elle. Témoignent également les membres de Big Brother (y compris Sam Andrew, décédé le 12 février 2015), Bob Weir du Grateful Dead ainsi que Country Joe McDonald. Quant au fil conducteur il est assuré par Chan Marshall, alias Cat Power, qui lit la correspondance échangée par Janis avec sa famille. Il est question aussi de David Niehaus. Tombé amoureux de la star, David lui proposait dans un télégramme de la rejoindre. Le pli est restée à la réception de l’hôtel; peut être que si Janis l’avait  lu ce soir là…. Et puis bien sûr des images rares, des extraits de concerts viennent étayer le récit d’un parcours hors du commun. Au-delà du personnage de rock-star, de sa voix extraordinaire et de la légende, ″Little girl blue″ nous dépeint une femme sensible, vulnérable et puissante. C’est l’histoire d’une vie courte, mouvementée et passionnante qui changea la musique pour toujours. Déjà en rayon pour la version anglaise le Dvd sous titré en français sera disponible fin juin 2016.

PB, Mai 2016