Cette image est née d’une photographie prise par Alberto Korda lors d’un discours de Fidel Castro à l’occasion de l’enterrement des 80 victimes de La Coubre, un cargo français qui explosa le 4 mars 1960 alors qu’il déchargeait des munitions belges dans le port de La Havane à Cuba. ″ Je me trouvais à une dizaine de mètres de la tribune sur laquelle Castro prononçait son discours et j’avais l’œil vissé sur le viseur de mon Leica. Soudain je vis Che Guevara. Il avait une expression farouche et j’ai eu presque peur au constat de la rage qu’il exprimait. Il était peut-être ému, furieux, je ne sais pas. J’ai appuyé aussitôt sur le déclencheur, presque par réflexe ″[Alberto Korda].
Le cliché a donc été pris par hasard pour le quotidien Revolucion mais le journal ne le publie pas. Pendant l’été 1967, l’éditeur italien Giangiacomo Feltrinelli se rend à Cuba et cherche des clichés du Che. Korda lui remet gratuitement le sien. En octobre 1967, à la mort du Che (exécuté par l’armée bolivienne aux ordres de la CIA) l’italien imprime le cliché recadré sur une affiche de 1m sur 70cm. Il en vend 1 million d’exemplaires en 6 mois. Dès lors, la représentation du Guerrillero Heroico est utilisée par la publicité qui, étonnamment, se sert de l’image contestataire pour promouvoir une multitude de marques prestigieuses: Louis Vuitton, Converse, Gap, Mercedes Benz, etc.
Ernesto Guevara, symbole de la résistance face au système capitaliste, devient l’agent commercial d’un marketing effréné visant à vendre montres, T-shirts, porte-clés, briquets, mugs, portefeuilles, sacs à dos, serviettes et même préservatifs.
Décédé en mai 2001, le révolutionnaire convaincu Alberto Korda ne toucha pas un centime et ne réclama jamais aucun droit d’auteur. Ce n’est qu’en 2000 que l’auteur s’est décidé à attaquer en justice la marque de vodka Smirnoff, afin de s’opposer à l’utilisation de son œuvre dans leur campagne publicitaire. Le litige aurait fait l’objet d’une transaction à hauteur de 50 000 $. Hips!
Patrick BETAILLE, mai 2025
