Annye C. Anderson – Mon Frère Robert Johnson

Tout le monde connait les histoires qui courent autour de l’auteur de Dust my Broom, Love in Vain ou Sweet Home Chicago, de son soit disant pacte avec le diable en échange de dons musicaux exceptionnels, ou encore de sa mort tragique qui lui ouvrit les portes du Club 27. Tout cela appartient désormais à la légende. Ce dont on avait aucune idée, c’est ce que fut la vie de Robert Johnson. Nous voici comblés avec ce livre qui est le résultat d’une rencontre et d’entretiens retranscris par Preston Lauterbach, éminent journaliste et auteur de nombreux ouvrages consacrés au blues. Madame Annye C. Anderson, la demi-sœur qui partagea la vie de celui qu’elle surnommait Brother Robert, fait des révélations surprenantes et savoureuses sur le bluesman légendaire que les amateurs n’auraient jamais pu espérer découvrir sous ce jour. Ne comptez tout de même pas pouvoir lever le voile sur les circonstances de la mort de ce guitariste hors du commun, Annye était beaucoup trop jeune à l’époque. Il y a dans cet ouvrage beaucoup d’humilité, de tendresse et de très nombreuses anecdotes qui mettent un coup de projecteur sur l’histoire déchirante d’une famille et sur la vie quotidienne des noirs américains dans le Mississipi des années 30. Beaucoup de douleur également, et de rage aussi. « Ma famille a perdu Brother Robert deux fois : quand il a été tué dans le Mississipi, puis quand les rapaces ont colporté tous ces mythes sur lui, ont volé nos photos et nos souvenirs pour se remplir les poches« , fulmine Mme Anderson qui a bataillé en vain pendant des années et qui du haut de ses 94 années nous livre aujourd’hui un témoignage émouvant. Avec Mon Frère Robert Johnson, dans l’intimité de la Légende du Blues, les éditions RivagesRouges nous offre un document exceptionnel pour lequel il ne faut surtout pas hésiter à se délester de la modique somme de 19 euros.

Patrick BETAILLE, mars 2021

Robert Johnson & Tom Wilson – King of the Delta Blues Singers

Mort dans des circonstances non élucidées, Robert Johnson a rejoint le Club 27 en 1938. La musique jouée par ce natif du Mississippi est bien loin des standards habituels. C’est un Blues sans fioritures aucune, juste quelques notes de guitare acoustique qui accompagnent une mélopée à la fois aiguë et éraillée. Surprenant à la première écoute, le style de l’interprète plonge l’auditeur dans l’ univers d’un Blues des origines qui clame les peines, les joies et les espoirs des esclaves noirs n’ayant pour horizon que les champs de coton du Delta. Pendant sa courte carrière Robert Johnson n’enregistre que 29 titres dont plusieurs furent repris plus tard et aujourd’hui encore par de nombreux interprètes. Parmi les plus célèbres, Cream, Led Zeppelin, The Blues Brothers, Eric Clapton, The Rolling Stones, etc… Keith Richards raconte d’ailleurs qu’en 1962, lorsqu’il entend pour la première fois un disque de Robert Johnson chez Brian Jones, il lui demande: ″Qui est-ce?″ Jones répond que c’est Robert Johnson, un obscur chanteur/guitariste de blues. Keith insiste : ″Ok! mais qui est cet autre type qui joue de la guitare avec lui ?″ Jones lui explique qu’il n’y a pas de second guitariste et que Johnson joue seul. Et Keith de s’exclamer: ″Wow! Ce type doit avoir deux cerveaux !″ Le travail du bluesman ayant été gravé à l’époque en 78 tours, il va sans dire que sa discographie se limite à des compilations techniquement remises au goût du jour et régulièrement rééditées. La totalité des témoignages musicaux récupérés depuis son décès sont disponibles sur double CD et coffret parus en 1990 et 1996: Robert Johnson – The Complete Recordings. Avant cela Columbia publie deux albums contenant 16 titres chacun: King of the Delta Blues Singers en 1961 et King of the Delta Blues Singers, Vol. IIen 1970. Cette dernière édition est tout à fait remarquable notamment par son covert art expressif. Figure au bas de l’image la mention: Robert Johnson first records in a makeshift studio in a San Antonio hotel room – November, 1936 (Premiers enregistrements de Robert Johnson en studio improvisé dans une chambre d’hotel à San Antonio en novembre 1936. NDLR). Le trait, les couleurs, le décor et les personnages traduisent à merveille l’ambiance des conditions spartiates des séances et la solitude de l’artiste qui joue face au mur. En un seul tableau l’auteur de cette oeuvre arrive à exprimer toute la profondeur et la désespérance de la Musique du Diable. Sur les annotations, ce travail exceptionnel est attribué à Tom Wilson. Malgré des recherches assidues, il semble impossible d’en savoir plus sur cet artiste et le seul moyen d’apprécier la splendeur de cette oeuvre dans son intégralité reste la juxtaposition du recto avec l’autre partie du dessin figurant à l’intérieur de la pochette. Dont acte!

Patrick BETAILLE, novembre 2018

Le Cover Art Emblématique en Livre: In Vinyle Veritas!

 

John Doe – Crossroads, la route du Blues

Crossroads, film John Doe sur Robert JohnsonPour peu que l’on s’intéresse au Blues, vient toujours un moment où se manifeste l’envie d’en savoir plus sur l’une de ses plus belles des légendes. Avec seulement 29 titres enregistrés Robert Johnson est devenu un mythe, la référence suprême, le gardien du panthéon de la musique, celui qui a fait naître chez Jimmy Hendrix, Eric Clapton, Keith Richard, Led Zeppelin et tant d’autres, la passion viscérale pour le Delta Blues qui allait de près ou de loin les influencer musicalement. En 1986, à partir d’un scenario de John Fusco, le réalisateur Walter Hill traite le sujet sous forme de fiction musicale gentillette qui se termine par un duel guitaristique éblouissant entre Ralph Macchio et Steve Vai dans le rôle du serviteur du diable. Il est donc question de ce fameux pacte avec le Malin. Pacte au cours duquel Robert Johnson aurait vendu son âme en échange d’un immense talent.  Avec ″Crossroads, la route du Blues″, John Doe élève le débat au rang d’un subtil mariage des genres qui oscille entre fiction, documentaire et road-movie. ″Fan de Blues, je rêvais depuis mon adolescence de faire la Route 61. Il m’aura fallu 30 ans pour y parvenir avec quelques dollars, un bon copain et une idée : conter les légendes de Robert Johnson. J’ai écrit et vécu cette aventure passionnément. Une année de préparation, 1 mois de tournage, 6 mois de montage et 8 ans de galères pour faire connaitre ce film. Aucun producteur, pas de distribution, pas d’aide financière, juste un entêtement maladif: y croire″. Le résultat est bluffant. La démarche est sincère, les protagonistes étonnants, le ton lugubre et l’ambiance générale très roots. Au final on y croit, on s’y croit même. Au point d’avoir envie de participer, en compagnie de Calvin Russel, à la quête du 30ème morceau, celui  qui délivrera Robert Johnson de sa malédiction. Monsieur John Doe*, qui que vous soyez, merci pour cette belle initiative, pour ce moment intense et pour la mise en images de cette passion dévorante. Enfin et surtout, merci pour le partage sans contrepartie avec la mise à disposition d’infos remarquables et de l’intégralité de l’œuvre au format Dvd ou Divx en Vost.  C’est ici! > La Route du Blues .

*Dans les années 50, John Doe est le pseudonyme utilisé par les réalisateurs américains  qui ne souhaitaient pas ″signer″ leurs œuvres en raison de désaccords avec les règles fixées par l’industrie du cinéma et de la télévision. Une façon de faire de la résistance…

PB, janvier 2017