Danko Jones – Leo Rising

 

Fidèle à la tradition, le douzième album studio de Danko Jones propose un heavy rock sec, carré et percutant. Leo Rising ne fera pas certainement basculer la carrière du groupe canadien mais il confirme une sincérité qui n’est pas étrangère au fait que l’on apprécie ce power trio depuis plus de 20 ans. Certes, pas de quoi faire oublier la frénésie de We sweet Blood paru en 2003 mais les onze titres du nouvel opus prouvent que, sans chichis, sans esbrouffe et loin des tendances, le rock n’est pas encore mort dans l’Ontario. Pour preuve, Diamond in the Rough et son clip en hommage à Kiss s’impose avec un solo incandescent de Marty Friedman (Megadeth) qui transforme le morceau en explosion de virtuosité et de flamboyance.
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Slash – Live at the S.E.R.P.E.N.T

 

C’est en 2024, durant les sessions de Orgy of the Damed, que Slash met en place le concept S.E.R.P.E.N.T (Solidarity-Engagement-Restore-Peace-Equality-N-Tolerance). Le but? Via une série de concerts organisés aux États-Unis, célébrer et promouvoir le blues en se produisant avec d’autres artistes pour collecter des fonds destinés à plusieurs associations caritatives.
Dans ce contexte l’album Live at the SERPENT Festival a été enregistré et filmé LE 17 juillet 2024, lors du concert au Mission Ballroom à Denver Colorado. Slash et sa bande s’attaquent à un mélange de standards ayant inspiré toute une génération de musiciens. Les 14 titres reprennent quasiment tous les morceaux de Orgy of the Damned, à l’exception de Hoochie Coochie Man, Awful Dream et Living for the City. La setlist passe ainsi de Parchman Farm Blues de Bukka White et Killing Floor de Howlin’ Wolf à Oh Well de Fleetwood Mac, Born Under A Bad Sign de Booker T. & the MG’s et Shake Your Money Maker d’Elmore James. La version de Papa Was A Rolling Stone des Temptations repose sur un groove envoûtant, tandis que Stormy Monday ralentit le rythme jusqu’à une intensité croissante avant d’exploser en une catharsis soul. Le guitariste dévoile également une nouvelle composition originale, Metal Chestnut, un morceau puissant, arrogant et en parfaite harmonie avec tout le reste.
Sous le nom de Slash’s Blues Ball, l’ex pistolero des Guns’N’Roses est accompagné de Teddy Andreadis (claviers, harmonica et chant), Tash Neal (guitare rythmique et chant), Johnny Griparic (basse et chœurs) et Michael Jerome (batterie). Ensemble ils nous offrent un concert brut de fonderie en rendant un hommage puissant aux légendes qui ont façonné le rock et le blues.
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Laura Cox – Trouble Coming

 

Laura Cox confirme son envie de ne pas se laisser enfermer dans un genre qui pourtant lui sied à merveille. Ce changement de cap, la guitariste franco-britannique l’avait déjà amorcé avec Head Above Water paru en 2023 et aujourd’hui elle enfonce le clou avec un quatrième album: Trouble Coming. Cette nouveauté démarre sur les chapeaux de roues avec trois titres de rock puissant et de blues rock poisseux. Changement de climat avec Inside The Storm et Dancing Around the Truth pour une incursion pop rock de belle tenue à laquelle on ne s’attendait pas forcément. Fallait bien ça pour nous amener gentiment vers Out of the Blue, une ballade intimiste à l’ambiance particulièrement admirable générée par le chant accompagné au banjo et à la slide. Tempo soutenu et guitares rugissantes; chacun dans leur genre, The Broken et Rise Together bénéficient d’un groove imparable. Quant à Do I Have Your Attention, en à peine un peu plus de trois minutes le morceau devrait convaincre les plus réticents grâce à son énergie furieuse et communicative. Le disque s’achève sur Strangers Someday, une power ballad fort bien interprétée.
Avec Trouble Coming Laura Cox s’impose en tant que chanteuse accomplie et confirme ses talents de compositrice et de guitariste virtuose au service d’un rock parfaitement maîtrisé.

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Walter Trout – Sign Of The Times

 

Cinq décennies que ce guitariste, compositeur, chanteur et harmoniciste originaire du New Jersey prêche la bonne parole du blues incandescent. Cet ancien de Canned Heat et des Bluebreakers de John Mayall n’a visiblement pas l’intention de se reposer sur ses lauriers. À 74 ans, Walter Trout est plus motivé que jamais et il nous offre une restitution brute et sans concession de ce blues rock qui lui colle à la peau. Plus rock que blues et sans pour autant céder à la nostalgie, les dix titres du nouvel album cohabitent entre fureur et volupté. D’emblée Artificial déboule avec un tempo lourd et un riff monstrueux qui mènent tout droit à la langueur bluesy de Blues on My Pilow. Brutal, lancinant et éruptif, Sign of the Times et son orgie sonore exploite une ambiance des plus sombres. Autres temps, autres mœurs. Place à l’ode à l’amour qu’est Mona Lisa Smile, une superbe ballade acoustique. Plus classiques au sens noble du terme, Hightech Woman, I Remember et Hurt no More. Autour d’envolées évoquant l’univers tourmenté de Jimi Hendrix, No strings attached mijote avec une classe éblouissante. Contraste de son et de style, clin d’œil à Sonny Terry et Brownie McGhee avec Too Bad, un blues acoustique intime qui fait la part belle à l’harmonica. L’album s’achève en beauté sur ce Struggle to Believe tout en puissance qui montre pourquoi Walter Trout fait partie des grands du blues rock.
Sign of the Times est une déclaration qui va bien au-delà d’une expression musicale basique. Captivant dès la première écoute, il perpétue l’histoire et le style d’un vétéran du blues qui, avec plus de 40 albums à son actif, est reconnu pour ses performances électrisantes et ses compositions émouvantes.
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Patrick BETAILLE, novembre 2025

Mark Morton – Without The Pain

 

Pour Anesthetic, son premier album solo paru en 2019, Mark Morton – connu pour mitrailler les riffs comme un GI sous amphètes – s’était livré à une approche plus conventionnelle du hard rock en se démarquant du heavy/trash metal de Lamb of God.
Avec le récent Without the Pain, le guitariste américain confirme le virage au frein à main et dévoile une autre facette de ses talents. Sur le beau cover art de ce deuxième opus on le voit de profil et on imagine son regard posé sur l’horizon de ces influences country rock et blues rock. Pour la circonstance Morton a fait appel à quelques potes triés sur le volet. Au fil des dix titres l’on découvre de fait les participations de membres de Clutch, Blacktop Mojo, Blackberry Smoke ou Tyler Bryant & The Shakedown. Entre autres.
Musicalement l’ensemble tient la route et s’avère très efficace grâce à un cruise control qui permet de rouler en toute décontraction entre rock marécageux (without The Pain), shuffle (Hell & Back), blues rock torride (Forever In The Light), ballade mélancolique (Come December), doom tonitruant (Noctural Sun) et americana (Kite String). Dernière station avant l’autoroute; faire le plein; direction le Sud, la Virginie. Dust, rageur et percutant, Brother à la fois classique et magistral et The Needle & The Spoon une réinterprétation sincère du classique de Lynyrd Skynyrd. L’album s’achève sur le rire d’un enfant avec Home, un titre au lyrisme mélancolique qui baigne dans une ambiance musicale envoutante.
Avec une tracklist haut de gamme Without the Pain est un album convaincant qui trouvera très facilement sa place aux côtés du Whomp Whack Thunder de Whiskey Myers.
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                                                                                             Patrick BETAILLE, novembre 2025

 

Whiskey Myers – Whomp Whack Thunder


Dixit Cody Cannon, chanteur et compositeur, le nom de son groupe aurait été inspiré par un certain Myers, un sans-abri et ivrogne notoire qui vivait au bord de la rivière du patelin. À l’époque, Cannon et ses potes l’avaient surnommé ″ Whiskey ″. C’est en utilisant ce sobriquet qu’en 2008 la formation sort son premier album: Road of Life.



Avec leur septième album, les six musiciens originaire de l’est du Texas qui composent Whiskey Myers, se révèlent au sommet de leur art pour perpétuer l’esprit du Southern Rock dans sa version la plus viscérale, loin des envolées de Lynyrd Skynyrd, Outlaws, Molly Hatchet et consort. ″ One, two, one, one, one, one! ″. Quand la country se joint au blues dans une exaltation propulsée par le rock, Whomp Whack Thunder incarne a lui seul le concept roots du rock sudiste. Rythmes percutants et guitares hargneuses sur Time Bomb et Tailspin alors que Midnight Woman s’ouvre sur un riff lent ambiance vaudou avant de se libérer sur un tempo classic rock. Ramblin’ Jones, titre à la fois séduisant et menaçant brille d’un groove tourbillonnant dont bénéficie également un Break These Chains plus bluesy. Born To Do, petit joyau de folk dans lequel narration, dobro et slide cohabitent à merveille. Vient enfin le moment de Monsters, une composition mélancolique dont les paroles qui explorent les thèmes de la peur, de la solitude et de l’espoir vous prennent aux tripes tant la musicalité et surtout l’interprétation sont émouvantes. 
Portées par le chant habité de Cody, les mélodies sont imparables. Onze pépites taillées dans la masse pour conduire Whiskey Myers vers des horizons où sincérité, énergie, et sensibilité font la loi. Whomp Whack Thunder est non seulement un coup de tonnerre, c’est un grand album. Très grand!

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Patrick BETAILLE, octobre 2025

Glen Hughes – Chosen

 

Le bassiste-chanteur accompli surnommé ″ The Voice of Rock ″ n’avait rien produit depuis Resonate paru en 2016. Neuf ans que nous n’avions pas entendu de nouvel album solo de la part de Glenn Hughes. Impossible de lui en vouloir. Il avait un mot d’excuse justifiant d’une étroite et prenante collaboration avec Black Country Communion et The Dead Daisies. Chosen arrive donc à point nommé pour remettre les pendules à l’heure. L’ex-Deep Purple nous gratifie de dix titres vintage à souhait, dans la plus pure tradition d’un heavy rock porté par une voix toujours aussi impeccable et un jeu de basse souverain. Très classique dans sa conception mais hélas sans réelle surprise ou originalité, cette nouvelle production offre néanmoins une redoutable efficacité. On ne la fait pas à un briscard de 74 balais. Glenn Hughes le prouve en s’adjugeant la présence de pointures, celle notamment de Soren Andersen, le guitariste virtuose qui enchaine phrasés et riffs de haut niveau. Malheureusement, impossible d’échapper à Come and Go, la ballade ampoulée mélodramatique à souhait. Dommage!

Dommage aussi que pas un seul titre – à part peut-être en cherchant bien et après plusieurs écoutes – Voice in My Head ou Black Cat Moan – ne se détache vraiment d’un album somme toute bien léché, homogène et agréable à écouter.
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Patrick BETAILLE, octobre 2025

Michael Schenker – D’ont Sell Your Soul

 

Dès ses débuts d’adolescent prodige avec Scorpions et son passage remarqué au sein de UFO, Michael Schenker n’a jamais fait de compromis. En fondant le Michael Schenker Group en 1979, il a marqué de son empreinte un hard rock bien léché au point de devenir une référence pour bon nombre de guitaristes inspirés par les riffs efficaces et les solos ravageurs du virtuose.
Près de cinquante ans après la création de MSG, vient un disque cohérent et sincère qui séduira les fans et rappellera que, au delà des modes, la flamme brûle toujours. Nous voilà rassurés car cette nouvelle production studio respire la passion d’un artiste septuagénaire qui ne se s’est jamais compromis. Là où certains espéraient des prises de risques, le teuton choisit la continuité, quitte à prendre le risque de parfois
paraitre prévisible. Don’t Sell Your Soul n’est pas un disque révolutionnaire, mais il incarne parfaitement ce que Michael Schenker a toujours été: un musicien besogneux, fidèle à son art et à ses Gibson Flying V.
Étayés par un line-up zélé, les onze titres combinent énergie brute et mélodies solides portées par la voix puissante de l’ex Skid Raw: Erik Grönwall. Quant au jeu de Michael, il est toujours aussi précis et inspiré, empreint du mordant harmonique et de la maîtrise technique qui ont toujours été dans son ADN.
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Patrick BETAILLE, octobre 2025

 

Christone Ingram – Hard Road

 

C’est incontestable, Christone ″ Kingfish ″ Ingram est l’un des guitaristes les plus doués de sa génération. Adoubé par Keb’ Mo et Buddy Guy il est l’avenir d’un blues moderne solidement ancré dans le delta du Mississippi et jusqu’alors brillamment promu par Alligator Records. Kingfish a néanmoins décidé d’aller de l’avant en s’émancipant de la tutelle de la prestigieuse maison de disques et fonder son propre label: Red Zero Records. Changement de cap donc, avec à la clef un tournant significatif témoignant de l’étendue de la vision et du talent du jeune prodige de 26 ans. Hard Road, son nouvel album, est un pari; celui d’établir un pont entre tradition et modernité. Du blues classique (Memphis) au blues rock puissant (Cosses, S.S.S.) en passant par  l’audace du funk (Truth et Bad Like Me) et la magie de la soul (Nothin’ But Your Love, Standing on Business et Clearly), le natif de Clarksdale poursuit une croisade consistant à perpétuer l’esprit du blues dans une nouvelle dimension. Quel que soit le genre, sa guitare s’épanche avec la voracité d’un alligator irascible. La fureur syncopée de Back To L.A donnerait à n’importe quel guitariste l’envie de réduire son instrument à l’état de petit bois. Plus flamboyant encore, le renversant Voodoo Charm achèvera de séduire les nostalgiques du gaucher de Seattle. 

Avec Hard Road, Christone Ingram apporte avec panache et brio une preuve supplémentaire qu’il détient la force indispensable pour porter le flambeau du blues.

Patrick BETAILLE, Octobre 2025

Bad Cop Bad Cop – Lighten Up

 

Bientôt 15 ans d’existence pour le quatuor féminin de punk rock formé en 2011 et basé à Los Angeles: Bad Cop Bad Cop. Retour aux affaires avec un quatrième album pour les angelinas du quartier de San Pedro qui n’avaient rien produit depuis 2020. Comme ses prédécesseurs Lighten Up fait preuve d’une énergie débordante mais gagne incontestablement en maturité. De la part d’un groupe qui a toujours tout misé sur la baston musicale, la métamorphose est évidente. Sans pour autant renier leur addiction à l’explosivité, les filles se livrent à un exercice un tantinet espiègle. Note to Self fricote avec un reggae speedé, Las Ventanas étonne avec une intro résolument jazzy, See Me Now bénéficie d’un mid tempo aux accents blues et le Johnny Appleseed de Joe Strummer est adapté à l’humeur du moment. Pour autant Stacey, Linh, Myra et Alex ne cèdent pas aux sirènes du mainstream. Ici l’esprit punk et la démarche insoumise sont encore et toujours au rendez-vous. All Together Now, Strugglin, Straight of Detox ou I4NI, dans lesquels rythmes effrénés et guitares rageuses occupent une place prépondérante, sont les témoignages convaincants d’un rock sans compromis. Lighten Up est audacieux, authentique, joyeux et efficace. Un bel album qui donne envie de pogoter et d’aimer la vie.

Patrick BETAILLE, Octobre 2025