Égalité des Sexes

© Photo: Felix Lupa

Bon, ça c’est fait! Reste plus qu’à se préoccuper de l’épineuse question de l’égalité des salaires – Well, that’s done! Now we just have to deal with the thorny issue of equal pay.

Patrick BETAILLE, mars 2023

Ann Powers – Good Booty

 

Comment, au fil des époques, la musique populaire et la danse ont-elles influencé la sexualité, les rapports de genre et de race dans la culture américaine ?

Bonne question à laquelle Ann Powers répond dans ce passionnant pavé de 400 pages. ″L’auteure retrace l’histoire de la musique populaire américaine. Gospel, jazz, blues, rock’n roll, disco, punk, rap et leurs innombrables ramifications sont détaillés par son regard engagé, iconoclaste et fécond. On assiste aux souffrances, aux voluptés et aux frustrations d’une nation pour qui le métissage a toujours été à la fois essentiel et problématique. Et pour qui la danse fut un des plus sûrs moyens que le corps exulte. Good Booty nous fait remuer le cerveau, les sens et les hanches″ (4ème de couv).

Des exaltations religieuses du début du XXe siècle aux syncopes du R’n’B le plus aguicheur, Ann Powers traverse 150 années d’histoire de la musique américaine avec en toile de fond les dérives de l’évolution des mœurs d’une société en dérive. C’est dans ce contexte que la journaliste dresse les portraits des figures de proue de la scène musicale des années 50 à nos jours. Elvis, Jimi Hendrix, Jim Morrison, Bowie, Alice Cooper et d’autres se présentent sous un nouveau jour ou du moins sous un angle qui nous permet de comprendre le pourquoi du comment de leurs influences, de leurs aspirations, de leurs attitudes et des conséquences de leurs choix, à la ville comme à la scène. Janis Joplin, Madona, Lady gaga, musiciennes, féministes, actrices mais aussi groupies et lolitas occupent également une place de choix en tant qu’influenceuses ou victimes des excès d’un microcosme dominé par une masculinité parfois amenée à assumer son homosexualité en s’accaparant les dérives de la communauté gay et du glam et du disco.  

Très bien écrit, rythmé et admirablement structuré, Good Booty (NDLR: Traduire par ″beau cul″) relève de la prouesse documentaire à connotation historique. L’on comprend désormais comment les danses et transes africaines ont posé les premiers pavés sur le chemin de la musique populaire et l’on découvre aussi l’influence que la sexualité peut avoir sur un courant musical et sur toute une génération. Et inversement.

Traduit par Rémi Boiteux, toujours disponible, Good Booty a été publié fin 2019 par Le Castor Astral.

Patrick BETAILLE, juin 2022

 

Cynthia Albritton – L’ empreinte du Rock!

 

En 1967, Cynthia Albritton a 20 ans et poursuit ses études à Chicago. Au collège, son professeur d’art demande à la classe de réaliser des moulages en plâtre à partir d’un objet quelconque. La jeune fille a une idée: appliquer la consigne sur des sexes masculins en érection. Avec l’une de ses amies, elle se rend à un concert de Paul Revere and the Raiders et parvient à se faufiler en coulisses. Elle y rencontre Mark Lindsay, le chanteur du groupe, et lui propose d’effectuer un plâtre de son pénis. Celui-ci refuse mais qu’à cela ne tienne! Le projet fait son chemin, Cynthia peaufine sa technique et opte pour une matière utilisée par les dentistes pour réaliser des empreintes dentaires: l’ Alginate. En 1968, elle fait la rencontre de Frank Zappa qui, séduit par l’originalité du concept, parvient à la convaincre de le suivre à Los Angeles, alors paradis de la libération sexuelle, du rock et des groupies qu’elle se met à fréquenter assidument. Jusqu’en 1971, celle que l’on surnomme ″Plaster Caster″ et qui ne se déplace jamais sans son kit logé dans un valise, parvient à convaincre de nombreuses figures du milieu musical de se faire mouler le pivot de la joie en bonne et due forme. Parmi ses premiers clients, Jimi Hendrix et Noël Redding. Viendront ensuite Clapton, Eric Burdon, Richard Cole, Wayne Kramer, le manager de MC5, Richard Cole, le tour manager de Led Zeppelin, etc. Au total, une bonne cinquantaine de braquemards congestionnés passeront entre ses mains expertes; du moins jusqu’à ce que le cambriolage de son appartement mette temporairement fin à son activité. Suite à l’incident, Zappa et Albritton décident de mettre les empreintes péniennes en lieu sûr en prévision d’une exposition future. Ils confient donc les œuvres à la garde de Herb Cohen, l’associé de Frank, qui plus tard refusera de restituer les chibres emplâtrés. Plus aucune reproduction ne verra le jour jusqu’en 1981, année au cours de laquelle, après une longue bataille juridique, l’artiste parvient à récupérer la quasi totalité de son capital érectile. Finalement l’exposition a lieu en 2000 et, par la même occasion, sont proposés au public des moulages de poitrines de femmes destinés à soutenir et promouvoir le mouvement en faveur de l’égalité des sexes. En 2005 l’artiste apparait dans un documentaire de la BBC, My Penis and I puis, en 2010, Cynthia ″Plaster Caster″ Albritton brigue la mairie de Chicago sous l’étiquette The Hard Party mais perd les érections élections. Dur, dur!

Patrick BETAILLE, février 2021