
[Albert Schweitzer]: ″ Il y a deux moyens d’oublier les tracas de la vie: la musique et les chats ″.
Patrick BETAILLE, avril 2015
Originaire de l’ Alabama, Lisa Mills a passé trois ans en tournée en remplacement de Janis Joplin au sein d’une des dernières moutures du Big Brother & the Holding Company. Le décor est planté quant à l’approche du chant, qui devrait vous en dire beaucoup sur ce qui relève donc d’une incarnation de la musique du Sud dans laquelle Rock et Soul se croisent ou cohabitent à des degrés divers. La voix est rauque, tantôt forte, parfois gémissante, mais toujours juste et émouvante. Lisa accompagne ses propres compositions et son jeu de guitare est des plus d’honorable sur ce quatrième album qui n’est ni un hommage à Janis, ni une de ces daubes qui encombrent les rayons de ”Housewives music”. ”I’m changin” est une bonne surprise bourrée de feeling, de tendresse et de frissons. Probablement pas de quoi rehausser le QI de Stevy Boulay mais l’interprétation a cappella de ”Tell Me” (exercice ô combien délicat) et une sublime version de ”Little Wing” devraient en séduire plus d’un question Musique qui vient du cœur et des tripes.
Patrick BETAILLE, janvier 2015
Né à Philadelphie en 1943 Robert Crumb est dans les années soixante l’une des figures de proue du Comix Underground. A cette époque il acquiert une renommée confortable en publiant les aventures d’un chat paillard et obsédé, Fritz The Cat et celles d’un gourou cynique, Mr Natural. Ces aventures feront d’ailleurs l’objet de publications en France dans Actuel, l’ Echo des Savanes et Fluide Glacial. Dans ces magazines il est également question de témoignages humoristiques et déjantés sur le psychédélisme, les drogues (il connaît bien le sujet…), la libération sexuelle et les femmes. Les Femmes! Il les aime et les dépeint résolument avec des formes généreuses, maternelles et dotées d’ un caractère bien trempé. Crumb, qui se décrit lui même comme ″un obsédé pervers et névrosé″, met en scène la gent féminine sur fond de relation ambivalente tantôt animée par la haine et la crainte, tantôt empreinte de fascination et de fantasmes sexuels. Le dessinateur a une autre passion: La musique. Même si a une époque il refuse de travailler pour les Rolling Stones (il n’aime pas leur musique!) il commet quelques pochettes de disques dont la plus célèbre reste incontestablement celle de Cheap Thrills pour le Big Brother and the Holding Company de Janis Joplin. Malgré tout et musicalement, c’est en tant que collectionneur de disques 78 tours que Robert Crumb se distingue. Il se passionne particulièrement pour la Country Music, le Jazz et le Blues Vintage, sachant que tout ce qui est postérieur à 1935 ne représente pour lui que très peu d’intérêt. Sorti fin 2013, Chimpin’ the Blues est le fruit d’une collaboration avec un ami, lui aussi collectionneur, Jerry Zolten. Ce dernier, historien en musique et professeur d’université invite Crumb en 2003 dans son émission de radio au cours de laquelle tous deux passent en revue quelques uns de leurs favoris parmi les 78 tours des années 20 & 30. Sur les 21 titres de ce disque 10 sont la transcription de commentaires éclairés de la part des deux spécialistes mais c’est la musique qui reste à l’honneur avec 11 titres rares qui à eux seul représentent un véritable trésor. Les amateurs de Blues Old Style et les fans de Crumb devraient être séduits par le contenu et le contenant de Chimpin’ the Blues.
Patrick BETAILLE, octobre 2014
In Vinyle Veritas – Éloquence et Désaveu du Cover Art
Diplômé en photographie par la Tennessee State University, ce photographe américain travaille pour un journal de Nashville. Il obtient plus de trente prix de photojournalisme régional et national. En 1993, il entame un projet de documentation sur le Blues dans le Mississipi. La démarche prendra plusieurs années durant lesquelles Bill Steber parcourt villes, villages et campagnes à la recherche de tout ce qui touche à ce genre musical en tant que culture mais aussi mode de vie. Ramassage du coton, événements religieux, musiciens, maisons, ambiances de clubs, tout est là pour témoigner sur ce qui a donné naissance ou influencé le Blues. Les photos parlent avec magie de peines, de douleurs et de misère mais aussi, d’espérances, de ferveurs et de joies. Elles sont porteuses de beaux mystères ou de joyeux désespoirs que vient renforcer le noir & blanc tout au service d’une fantasmagorie que l’on a envie d’explorer. Explorer pour enfin savoir si le Blues est une musique sacrée ou une musique du diable alors que c’ est peut être tout simplement la musique des hommes qui se retrouve ici visuellement replacée dans une démarche à perspective historique, similaire à celle du label discographique Music Maker.
Patrick BETAILLE, octobre 2014
A 78 ans James Cotton n’a plus grand-chose à prouver. Il a accompagné les plus grands dont entre autres Big Mama Thornton, Janis Joplin, Howlin’ Wolf, Santana ou encore Johnny Winter et BB King. Muddy Waters fit appel à cet harmoniciste inspiré et Ô combien talentueux sur l’Immense album diffusé en 1977 et produit par Johnny Winter himself, j’ai nommé ″Hard Again″ que tout amateur de Blues viscéral se doit de posséder. Aujourd’hui, avec ″Cotton Mouth Man″, Alligator Records diffuse 13 compositions originales du maître incontesté de l’harmonica qui, dans la plus pure expression du Chicago Blues, nous livre un album puissant et immédiat. James ne chante plus beaucoup. Depuis longtemps il se bat contre un cancer de la gorge et c’est la raison pour laquelle des invités prestigieux apportent leur contribution à cette dernière livraison. Joe Bonamassa, Gregg Allman, Warren Haynes ou Keb ‘Mo’ sont de ceux là. Ne vous méprenez pas! Cotton Mouth Man n’est pas un disque pince fesses alimentaire pas plus qu’une galerie de duos que certains artistes en panne d’inspiration commettent au crépuscule de leur carrière. Non! Ce disque est tout sauf ça et il est surtout un brûlot étonnant d’énergie, de puissance et de passion qui vous mettra les poils des bras à la verticale. L’émotion y est omniprésente et culmine magistralement sur le dernier titre, ″Bonnie Blue″, où la voix ravagée et l’harmonica redoutable de James Cotton fusionnent de manière absolument poignante: Bonnie Blue!
Patrick BETAILLE, août 2013
Ne boudons pas notre plaisir. Constater aujourd’hui que des artistes jouent et enregistrent autre chose que la soupe indigeste servie par les Majors est un bonheur rare et pas forcément cher. Christina ‘Cee Cee’ James fait partie de ces talents stellaires qui, contre vents et marées, entretiennent la flamme de ce qu’ils ont de plus cher : une certaine idée de la musique en tant que mode de vie. ‘Down low where the snakes crawl‘, sorti en 2008, est certainement la conclusion légitime d’une longue période passée sur les routes à courir les bars et les clubs pour glaner quelques dates de sets et, entre deux coups de pieds au cul, une éventuelle reconnaissance bienfaitrice. Des onze titres de l’album émergent des ambiances assez traditionnelles, parfois un peu fantasques ou mystérieuses car teintées de Soul. Voici donc un bon Blues underground qui se balade entre Memphis et Chicago porté par un chant plein de feeling et parfaitement maîtrisé. Selon les titres, la voix susurre ou se tend jusqu’à devenir délicieusement rauque quand les compositions le justifient. Et les compos Cee Cee James connaît ! C’est elle qui œuvre, aidée par son mari qui, excellent joueur de slide, est également en charge des guitares. Le couple assure aussi mixage et production de l’ensemble. On n’est jamais mieux servi que par soi même ! Plus j’écoute ce disque intime et plus j’en apprécie l’atmosphère aux accents parfois Jopliniens mais pas que. Janis était absolument unique, incomparable. Sauvage dans son chant, et je pense que c’est ce qui plait chez elle. Cette façon de tout donner, sans tricher (Cee Cee James).
Patrick BETAILLE, mars 2013
″ What can an old man do but sing the blues…″ car c’est bien de Blues qu’il s’agit avec cette série d’albums mis en œuvre par une fondation qui enregistre et soutient les derniers survivants du Blues Originel.
Sorti en 2005, The last and lost blues survivors consiste en une fantastique épopée à travers l’histoire et le territoire américain. Un voyage au cours duquel on s’attarde sur une musique oubliée et pourtant toujours présente. Ce que l’on y entend est émouvant, sincère, sans artifice aucun et tellement beau ! Rassurant de constater que le Blues, le vrai existe toujours. Plus qu’un disque, le résultat du travail de Music Maker est un énorme document historique et un hommage formidable à la musique traditionnelle. 26 Artistes, 38 titres, 2H30 de musique, packaging luxueux en quatre volets incluant notes et biographies résumées des artistes. Voilà en résumé les informations disponibles sur le site de Dixiefrog, qui publie le catalogue Music Maker. Le label français vous offre ainsi l’opportunité d’entreprendre une bonne action et de vous faire un gros plaisir en jetant votre dévolu sur une ou plusieurs de ces magnifiques compilations. Slavery, prison, women, God and… whiskey, sorti en 2007, n’attend que vous. ″Un projet fabuleux, la preuve que la musique que j’ai toujours aimée est plus que jamais vivante″ (Eric Clapton). A écouter et à savourer en contemplant les photos de Bill Steber.
Patrick BETAILLE, décembre 2011
Un jour, un mien ami disait en substance ceci : ″Y’a des types qui sont coincés dans une faille du temps. Habillés de costards en lin blanc, ils déambulent le long des rues en fredonnant un blues intemporel et on ne sait même pas qu’ils existent…″ C’est hélas vrai mais c’est sans compter sur ce hasard* sans lequel l’existence serait bien terne. Jouissons et réjouissons nous! Sur les territoires dévastés des catastrophes – naturelles ou pas – comme sur ceux du quotidien aliéné par la musique clipo aseptisée et les talents (sic !) rasants jetables, certains arrivent encore à prouver que tout n’est pas perdu. Avec Jungle Blues, C.W. Stoneking nous livre ainsi une des plus belles et des plus pures expressions de la musique intemporelle par excellence, le Blues.
37 ans, de parents américains, né et vivant en Australie, C.W. Stoneking tire son influence du Prewar blues, voir même du Jazz des années 20, carrément. Auteur, compositeur, virtuose de la six cordes et du banjo, Christopher pose une voix chaude et rauque sur un univers de compositions originales et inspirées qu’il laisse évoluer dans une atmosphère délicieusement particulière. Jungle Blues est son deuxième album et tout au long des dix titres c’est un réel plaisir que de se balader au cœur des mystères singuliers de l’Afrique ou de la moiteur nonchalante de la Nouvelle Orléans ; on se prend à rêver à cet Authentique qui transparaît au travers des textes et on s’attend à être la victime consentante de quelque rite Voodoo tout droit sorti d’une ambiance musicale cuivrée digne du Dirty Dozen Brass Band sauf que là il s’agit du Horn Primitive Orchestra. On pense bien sûr à Robert Johnson mais aussi à Doctor John première époque et surtout, surtout, à Tom Waits tant la voix est singulièrement envoûtante notamment dans le plaintif Jailhouse Blues ou l’hypnotique Early in the morning. Le calypso de ″Brave Son Of America″, rend hommage au Général Mac Arthur alors que dans ″Housebound blues″ Kirsty Fraser, l’épouse, chante la complainte de la femme au foyer. Cette galette est à écouter ce qu’une pépite est à regarder : brillante, fascinante et hors du temps ! C’est pas tous les matins qu’on a la chance de se trouver confronté à un déballage aussi classieux. John lee Hooker disait ″you will never get out of this blues alive !″ Non seulement je veux bien le croire mais j’ajoute que si vous vous en sortez vous finirez de toute façons à l’infirmery, à St James il en est une et ça tombe bien.